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Maison de la Photographie / Lille / Hauts-de-France
 

Lucie Jean : Pluie noire

Exposition du mercredi 8 avril au dimanche 10 mai 2015

 

À l’automne 2013, la possibilité m’est enfin offerte de retourner au Japon, dix ans après mon premier séjour. Mais ce deuxième voyage se teinte d’une couleur particulière. Trois ans après le tsunami et la troisième catastrophe nucléaire du pays, ce territoire insulaire et instable m’apparaît encore plus fragile, aux frontières de la chute, exposé au risque constant et imprévisible de la radioactivité.
Kuroi ame (« Pluie noire ») est le titre d’un roman de Ibuse Masuji, que j’ai lu et relu et qui relate l’explosion de la bombe à Hiroshima. Un livre sombre, ténébreux. La pluie noire est la pluie radioactive, mélange d’eau et de cendres, qui recouvre tout après l’explosion. Parallèlement, je suis frappée de retrouver cette image dans le terrible recueil de témoignages La supplication de Svetlana Alexievitch, journaliste allée à la rencontre des victimes de Tchernobyl. Alors que cette pluie noire devient obsédante, mon attention est attirée par les estampes et gravures sur bois japonaises Ukiyo-e (« image du monde flottant »), dans lesquelles la pluie est souvent figurée par des hachures noires, recouvrant entièrement la scène.
Ces livres et images m’ont hantée avant et pendant mon séjour là-bas.
Pourtant à distance de la « zone interdite », à chaque pas que je fais, à chaque paysage que je contemple, s’immisce en moi un doute quant à ce poison invisible. Quelles sont réellement les frontières de cette zone ?
Pour éprouver cette limite invisible, j’erre dans la nature en bordure des villes. Partout, elle me donne l’illusion d’être maîtrisée, habitée, mais sa densité particulière me ramène en permanence à sa puissance incontrôlable. Comme à travers un film de suie, je ne m’attarde pas seulement sur les détails fugaces de cette nature obscure et instable, sur les échos décalés d’une onde ou d’un filet de fumée, mais aussi sur les indices troubles d’une possible détérioration. Signes doubles d’une nature dominante mais altérée.
Chacune de ces images est le reflet de mon appréhension lors des nuits pluvieuses d’avant le typhon, de ma conscience anxieuse, emplie des images terribles des effets de la radioactivité sur la nature et les hommes. Tout peut s’effondrer du jour au lendemain : le sol n’est jamais tout à fait stable, la nature tout à fait prévisible, la catastrophe tout à fait éloignée.
Loin de prétendre témoigner des conséquences actuelles ou à venir de la catastrophe, ce travail porte juste l’empreinte de ce regard inquiet face à la menace sourde qui pèse sur un pays fascinant.

Lucie Jean

Née en 1978, Lucie Jean vit et travaille à Paris et Bagnolet. Diplômée de l’École Estienne en 1999 et de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris en 2003, elle a effectué des résidences d’artistes en Finlande, en Chine, au Japon, et en Islande. Lucie Jean exerce en parallèle une activité de photographe et de graphiste, notamment au sein du duo Kaminoto avec la photographe Marcella Barbieri.
Son travail photographique est essentiellement centré sur l’inscription des traces de l’homme dans la nature avec une prédilection pour l’élément aquatique qui confère à ses compositions – pourtant d’une grande rigueur formelle –  un puissant sentiment d’irréalité. En 2013, son travail « Down by the water » reçoit le coup de cœur à la Bourse du Talent #56  Paysages. Après plusieurs expositions collectives, elle intègre la galerie des Comptoirs Arlésiens de la jeune photographie et la coopérative À travers le paysage en 2013. En 2014, « Pluie noire » est présentée pendant les Rencontres internationales de la photographie d’Arles, accompagnée des Notes sur pluie noire publiées chez Arnaud Bizalion Editeur.
La poésie et la justesse de son travail sont félicitées par un coup de cœur du jury de la Bourse du Talent #60 Paysage 2014.

 

 

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Exposition réalisée en partenariat avec Photographie.com

 

 

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