Exposition du mercredi 8 avril au dimanche 10 mai 2015
Coup d’État après coup d’État, la Centrafrique connaît depuis son indépendance en 1958 l’instabilité politique, sécuritaire et humanitaire de façon récurrente. Jusqu’à l’année dernière, la population unie dans son malheur se serrait les coudes et tentait de survivre tant bien que mal.
Le 24 mars 2013, tout change : un groupe rebelle, nommé la Seleka (« l’alliance » en langue nationale), venant principalement du Nord-Est du pays, prend le pouvoir par la force. Composée principalement de Centrafricains du Nord à majorité musulmane, mais aussi de mercenaires tchadiens et soudanais, ils sèment la terreur à travers tout le pays pendant des mois et visent principalement ceux qui ne sont pas musulmans. Meurtres, exactions, tortures, pillages, alors que la liste des victimes s’agrandit, les jeunes non musulmans des campagnes, qui ont perdu leurs parents, leurs amis ou leurs voisins, s’organisent en groupes d’auto-défense : les Anti-Balaka. Ces milices armées de gris-gris, de machettes et de fusils artisanaux, se mettent en tête de combattre la Seleka.
À Bangui, entre octobre et novembre, la situation se dégrade chaque semaine, les assassinats commis par la Seleka se multiplient, ils visent les soldats de la Force Armée Centrafricaine (FACA, ancienne armée régulière), mais aussi des figures emblématiques de la démocratie. Pendant ce temps, les manifestations contre le gouvernement et la Seleka se font de plus en plus régulières. Le 5 décembre, les Anti-Balaka, auxquels s’ajoutent une partie des FACA qui ont désertés, attaquent Bangui. Ils rebroussent chemin après quelques heures de combat. Les jours suivants, les Seleka vont de maison en maison pour venger cette attaque et tuent quiconque croiserait leur chemin : six cents morts sont enregistrés. Le même jour, le contingent français est augmenté de mille six cents hommes, une politique « coup de poing » est mise en place pour désarmer la Seleka et les civils, mais dès la nuit tombée, les Seleka se vengent à nouveau sur les habitants.
Sous pression internationale, la Seleka est cantonnée. Dès lors, les jeunes des quartiers et les Anti-Balaka, à leur tour, décident de s’en prendre à ceux qu’ils associent à la Seleka : les Musulmans. Ils pillent et détruisent tous les symboles et les possessions des Musulmans de Bangui et demandent la démission du président de la transition Djotodia. En l’espace de quelques jours, une véritable chasse à l’homme est ouverte : les non-Musulmans contre les Musulmans. L’espoir de paix entre les communautés s’efface un peu plus tous les jours.
Ce reportage de trois mois est le témoignage de la descente aux enfers d’un pays où le mot d’ordre demeure « on est ensemble » et où la population est, désormais, plus que jamais éclatée.
Camille Lepage
Née en 1988 à Angers, Camille Lepage poursuit, après une année préparatoire en sciences politiques, ses études de photojournalisme à l’Université de Southampton en Angleterre. À la suite de son diplôme en 2012, elle devient photographe indépendante.
Dotée d’un véritable talent, la jeune photographe voit ses images publiées dans de nombreux journaux : Le Monde, Le Parisien, The Sunday Times, The Wall Street Journal… Passionnée et proche de ses sujets, elle perd la vie, en mai 2014, à l’âge de 26 ans, en témoignant de la guerre en Centrafrique.
Afin d’honorer son engagement, son talent et par extension, le courage de tous les photographes de reportage, le jury de la Bourse du Talent #57 Reportage 2014 dédie à Camille Lepage le Prix Exceptionnel de la Photographie.
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Exposition réalisée en partenariat avec Photographie.com
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