Cru, léché, décadent : le monde vu par Helmut Newton, à Lille
La Maison de la photo accueille une exposition d’une soixantaine de clichés du photographe allemand et de celle qui fut sa femme, Alice Springs.
De fières poitrines, bien sûr. Des femmes sculpturales, lascives ou dominatrices jusqu’à la caricature, évidemment. Ce sont quelques-unes de ses obsessions. Mais ce n’est pas uniquement l’Helmut Newton « porno chic » que montre à partir de ce jeudi soir la nouvelle exposition de la Maison de la photographie, à Lille. Pour la troisième fois depuis l’an dernier – et pour la première fois depuis son spectaculaire agrandissement en rez-de-chaussée –, le lieu fivois accueille dans ses murs un accrochage de la Maison européenne de la photographie de Paris, présenté là-bas en 2012.
Soixante-dix-huit formats moyens en noir et blanc : 42 saisis par le photographe d’origine allemande mort il y a presque dix ans, 36 signés Alice Springs, qui fut sa femme durant plus d’un demi-siècle. Car l’actrice australienne passe elle aussi derrière la focale au début des années 1970. « En 1971, Newton a une crise cardiaque. Sa femme assure une commande à sa place, et ça se passe très bien, relate Aline Reynaud-Paligot, médiatrice de la Maison de la photo. Comme elle avait été elle-même actrice, elle instaure une relation très simple avec ses modèles. » Tout en se plaçant dans le même sillage que son mari.
Photographe pour des magazines de mode à partir des années 50, Newton en brise assez vite les codes en injectant un érotisme froid, presque inquiétant, mettant en scène des femmes fatales dénudées à la beauté glaçante, des viragos starlettes parachutées dans des environnements étrangement banals, une jet-set décadente… On reconnaît immédiatement une photo d’Helmut Newton. « Il voulait être cinéaste. Du coup, son style est très narratif, il travaille la photo comme un art. Il était aussi tellement provoc’ qu’il repousse les limites du publiable. » On croise cette femme, dont la chevelure se confond avec la fourrure, loucher sur un urinoir (occupé) dans un parc. Aussi un portrait « classique » de Jeanne Moreau. Et un autoportrait du photographe, des fils plantés dans le crâne comme dans Brazil de Terry Gilliam. Conscient des névroses qu’il n’a fait qu’imprimer sur papier glacé.
« Helmut Newton & Alice Springs », vernissage ce jeudi à 18 h30. Jusqu’au 25 janvier 2014, du lundi au vendredi de 10 h à 18 h, le samedi de 14 h à 18 h, à la Maison de la photographie, rue Pierre-Legrand à Lille. Gratuit. 03 20 05 29 29.