La photo n’enregistre plus le réel, elle le crée
Jean-Luc Monterosso, commissaire du festival Transphotographiques 4
Jean-Luc Monterosso, le directeur de la Maison européenne de la photographie, à Paris, est le directeur artistique des 4ème rencontres internationales de photo de la métropole, qui se tiennent du 15 mai au 15 juin. Avec un thème transversal : la transformation.
Que vous permet ce thème ?
Grâce aux collections de la Maison européenne, on a pu décliner les expos sur la transformation du corps et de l’espace. De l’espace politique par exemple, avec les clichés sur les nouveaux Européens. En filigrane, il y a l’idée de la transformation du medium-même, la photo.
C’est-à-dire ?
A l’Hospice Comtesse de Lille, les expos passent d’images des années 60 à des images retouchées par ordinateur. Et on voit , qu’avec le numérique, la photo ne se contente pas d’enregistrer le réel, elle le crée. Elle n’est plus une preuve, une trace, une mémoire, comme cela a a été son rôle jusqu’ici.
Pouvez-vous nous en citer des exemples sur ce festival ?
Par exemple, ces quatre portraits censés représenter les modèles des statues de la Grèce antique : Lawick et Müller les ont constitués à partir d’indices piochés ici ou là, dans des livres ou sur Internet. Mais ces quatre visages que vous voyez n’ont jamais « réellement » existé. Ou encore cette fresque du collectif russe AES, d’inspiration réaliste-socialiste. Des enfants ont posé individuellement, les photographes leur ont ajouté des armes et ont faussé la perspective grâce à l’ordinateur.
Cette transformation de la photo a-t-elle un impact sur le visiteur ?
Là, on est dans le domaine de la création, des oeuvres d’art, et non plus du documentaire. C’est donc une émotion esthétique que l’on ressent.
Caroline Dijkhuis, 20 Minutes, le 5 mai 2004