La Maison de la Photographie pointe les millions de l’Institut pour la photographie
C’est un nouvel épisode dans le feuilleton de l’Institut pour la photographie de Lille, le grand équipement projeté par Xavier Bertrand, le président divers droite des Hauts-de-France, en quête d’une signature culturelle. Le 5 octobre dernier, la commission permanente du conseil régional des Hauts-de-France adoptait une grosse enveloppe
complémentaire de quelque 14 millions d’euros pour augmenter le budget d’installation et les enveloppes dédiées aux travaux (nos révélations). Sa rivale, la Maison de la photographie, contrainte de mettre la clé sous la porte (39523 visiteurs la dernière année 2018), ne s’en laisse pas conter. Et compte les millions de sa rivale.
Selon le référé-suspension qu’elle introduit devant le tribunal administratif de Lille (cabinet Gros-Hicter et associés), les élus n’ont pas été suffisamment informés en délai et en contenu – une simple annexe à la délibération est estimée suffisante – de l’opération qui se distingue par son ampleur – plus de 14 millions d’euros – et qui a été présentée au vote de la commission permanente, organe-clé de l’institution, plus discret que les séances plénières. Et d’évoquer le fâcheux précédent du conseil général du Pas de Calais dont les élus avait » découvert » en début de séance un rapport d’information « pour la rénovation du stade Bollaert » à hauteur de 10 millions d’euros… Délibération suspendue par le juge des référés (31 oct. 2012).
Le dispositif de l’Institut adossé à une enveloppe globale de plus de 17 millions d’euros, apparaît comme une « super association »…porteuse d’une rupture d’égalité entre les associations régionales et même, carrément, d’un détournement de pouvoir. Du côté de la région, on argue que les structures associatives existantes sont concernées par le projet de l’Institut.
Rappelons que le programme d’installation, initié en septembre 2017 avec l’appui des rencontres d’Arles, a débuté à l’été 2018 depuis un accord politique entre la maire socialiste de Lille, Martine Aubry, et le président Les Républicains des Hauts-de-France Xavier Bertrand, qui décident d’implanter le projet au coeur du Vieux-lille (notre enquête et notre analyse), loin des quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Depuis, le calendrier s’étire en longueur contredisant la promesse d’un Xavier Bertrand qui déclarait en juillet 2017 au Journal des Arts : » Je souhaite que le projet soit une réalité dans un an ».
Un rythme de croisière qui était prévu cette année. La crise sanitaire a ralenti les opérations techniques et seulement quelques expositions ont pu se tenir sur fond de rivalité avec la résilience des Transphotographiques (notre article et ICI). Mais l’important programme de travaux ne semble pas autoriser une ouverture prochaine, désormais reportée à …2023, soit six ans après sa gestation. De fait, le discret institut était curieusement absent des programmes électoraux de Xavier Bertrand et de Martine Aubry, tous deux réélus à Lille en 2020 et à la tête du conseil régional cette année.
Problème : la masse salariale de l’institut pèse sur les budgets déjà conséquents. Un reproche parfois brandi sur fond d’antagonisme entre les acteurs de la culture de proximité et les grandes manifestations culturelles, perçues comme des monstres associatifs, dévoreurs de subventions. On se souvient des débats animés qui agitèrent les hémicycles de la ville de Lille et de la Métropole européenne de Lille quand il fallut voter les budgets de Lille 3000…(nos informations, et à la MEL,) ou quand la chambre régionale des comptes s’emparait du même sujet (nos révélations).
La controverse prend donc du relief et se déplace dans les prétoires. Ce n’est pas la première fois que le juge administratif est saisi (nos révélations). Le conflit entre la Maison de la photographie et l’Institut pour la photographie prend l’allure d’un duel catégorie David contre Goliath (notre enquête). L’Institut de la Photographie deviendra-t-il une danseuse ?