Coup d’oeil haut de gamme pour métropole capitale
Mise au point Lilloise pour William Klein
SOIXANTE-QUINZE ans et le regard plus pétillant que jamais. Cabot juste ce qu’il faut, telles ces « exceptions » à qui on a envie de pardonner ces minuscules caprices qui les rendent tellement proches des «ordinaires ». Une chevelure blanche et folle d’artiste, le jean classieux de l’homme de goût et les chaussures de sport noires de celui qui a les pieds sur terre et l’esprit d’un jeune gaillard. William Klein, le photographe du New York des années 50, du. Paris des années 2000, de cette vie grouillante des métropoles, l’Américain révolutionnaire, artiste pop, est invité de Lille la socialiste. Le petit gamin d’une fa-mille juive a grandi dans un quartier irlandais à Manhattan dans les années 30, juste après la crise. Le critique est toujours aussi féroce que réaliste envers ses compatriotes qui « sont 50 % à trouver que Bush fait un bon boulot. Ce type est un mirage. Comment croire un mirage ? Comment ignorer que Condolezza Rice gagne un argent fou avec la guerre et les pétroliers ? Impossible. On a beaucoup parlé au lendemain du 11 septembre des New-Yorkais unis dans la douleur, derrière leurs victimes, leurs pompiers. Soit. Mais on n’a vu aucun mouvement de foule, de manifestation de solidarité, comme ce qui a eu lieu en Espagne après les attentats de Madrid. »
Proies de choix
Ce jour-là, il rentre un peu grognon du « fin fond » de la Belgique et veut avant tout causer à ce patron dont il a entendu parler partout en Europe. Il a beau dire, ce « communiste de Paris » né en 1928 à New York, arrivé à la Sorbonne en 1948, son accent anglo-saxon est aussi séduisant que ses yeux clairs. Les mêmes gammes que celles volées par Philippe Plisson sur cette photo de Belle-île devant laquelle Klein commente ses photos. Celles d’une commande pour les Transphotographiques qui commencent le 15 mai. Les clichés seront tirés sur 1,5 m et exposés au palais Rihour. Le matou a sauté sur l’occasion et découvrait alors les premières épreuves de son travail lillois. « On m’a demandé de faire quelque chose sur Lille. Dire que j’ai fait un bon boulot… c’est un peu du parti-pris. Mais, bon… » Le photographe a travaillé cinq jours en studio avec des « pointures » comme il dit, vingt-cinq groupes différents. « J’ai juste réalisé un album de famille, avec des juristes, des chercheurs, le monde de la nuit, les gays, les sportifs. A vrai dire, je ne pense pas que ce soit là les meilleures photos que j’ai jamais faites mais… » Mais le reflet de l’oeil tend à prouver que l’objectif a capturé quelques proies de choix. « Quand on verra l’ensemble, on aura une meilleure idée. Pour un bon portrait, il faut compter deux – trois heures au moins. Là, on ne pouvait pas. En même temps, c’était une gageure de créer un lien entre ces gens que je ne connaissais pas du tout et moi. C’est pas des meubles. Ce sont des gens qui ont une histoire. » Il s’agissait de photographier un concentré de la vie lilloise en regroupant les meilleurs dans les différentes professions : « Une certaine élite. Des gens essentiels au tissu urbain. Le plus délicat était de travailler rapidement. La plupart étaient
pressés. L’évêque de Lille re-gardait sans cesse sa montre. Pas évident pour moi. Mais cet album, ce concentré est un beau cadeau pour moi. » Une heure trente pour la pose, la mise en scène, le maquillage, on est loin du compte habituel du maître. « Je reconnais volontiers que nous n’avions pas le temps nécessaire à la rigueur, à une préparation minutieuse. » Mais, chaussant ses lunettes rouge vif, William Klein se remémore avec une infinie précision les détails des séances : « Ce docteur, quand on le voit arriver sur un accident, on sait qu’il va passer tous les barrages, on sait qu’on est entre de bonnes mains. » C’était la première rencontre entre Patrick Goldstein, le patron du SAMU, et William Klein.
Facette inattendue
Même complicité avec un gros du barreau : un Dupont-Moretti qui attrape le regard d’un coup de patte félin. Les footballeurs à qui le photographe a demandé de jongler avec leur ballon. « Bon, ils ne tenaient pas très longtemps. Celui-là (on évitera les noms), était d’une maladresse… incroyable. » L’oeil a aussi capté une Martine Aubry inhabituelle, en blouse blanche, entourée de personnel médical… Un vrai faux instantané qui saisit une facette inattendue des religieux, artisans, policiers, acteurs de toute une vie. Un seul vrai regret : « J’avais imaginé une mise en scène pour les politiques. Une photo emblématique de ce personnage. Il aurait été entouré de gens lui murmurant des tas de secrets à l’oreille. Mais bon, il n’est pas venu. Dommage car il était telle-ment emblématique de Lille. C’est mon grand regret. »
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Virginie Carton
Voix du Nord du 2 mai 2004