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Maison de la Photographie / Lille / Hauts-de-France
 

La Croix : La photo à Lille, Expositions de l’automne

La photo à Lille, Expositions de l’automne

 

Dans une métropole où l’envie de photos se fait sentir, deux institutions montrent simultanément leur savoir-faire. Une « abondance » qui fait regretter que la concurrence ne se fasse pas à armes complètement égales.

 

L’équipe de la Maison de la Photo dans la galerie des Tanneurs. Dans l’ancien espace de la Fnac, la nouvelle édition des Transphotographiques, est en même temps celle de son 20′ anniversaire. Elle témoigne ainsi de son incroyable résilience, même si Olivier Spillebout, son fondateur, affiche parfois ses doutes. La pression financière exercée sur l’institution par l’absence de financement public n’est qu’imparfaitement comblée par le rassemblement de quelques mécènes qui lui restent fidèles. Si la qualité reste au rendez-vous elle ne peut masquer la faiblesse du budget de communication, qui rend de fait assez confidentielle sa fréquentation, et interdit la rencontre entre les photographes et leur public. Le choix du jury consacre de beaux travaux. L’exposition « En-Hauts » résulte d’un large appel à projets, auprès des photographes liés à la région des Hauts-de-France, soit par leur origine, soit par leur travail.

Elle relève de ce fait d’une véritable mission de service public. Olivier Spillebout et le jury présidé par Jean Luc Monterosso, le fondateur et ancien directeur de la Maison Européenne de la Photographie à Paris, ont reçu 250 dossiers qui témoignent de la vitalité de la photographie dans la région. Le 8′ art montre ici sa spontanéité et sa diversité. Et son professionnalisme, attesté par les presque 50 artistes exposés. La présentation de clichés de Jérémy Lempin, qui a reçu le Visa d’or au festival de l’image de Perpignan, et qui relate le travail thérapeutique au centre de soins palliatifs de Calais, de Mister Hassen avec le cheval Peyo, en est le témoignage. Le prix spécial du jury attribué Vincent Jarousseau dont l’immersion à Denain a laissé une trace photographique qui fait date permet de revoir avec plaisir ses clichés, qui seront à nouveau exposés à la Maison de la Photo, rue Frémy à Lille, à partir du mois de novembre. Les photos en noir et blanc de Bruno Delannoy qui a arpenté les routes du Nord et photographié les places et les plages, les cours et les courées, ont vocation à devenir iconiques. Cette exposition est à voir jusqu’au 31 octobre à la galerie des Tanneurs, puis à la Maison de la Photo à partir du 28 novembre (présentation des travaux de Vincent Jarousseau, Pierre Faure et Flavio Tarquino).


Rue de Thionville, « Perspectives » à l’Institut pour la Photographie « L’institution officielle » financée par la région s’est vue attribuée des missions multiples et variées qui exigent un travail de l’ombre. De ce fait l’institut peine légitimement à accéder à une visibilité en se bornant à montrer un échantillon de ce qu’il possède. Pour sa 3′ programmation avant la fermeture de son site pour travaux, l’IPP présente discrètement 10 expositions inédites reprenant une première présentation des fonds photographiques qui lui sont confiés. Comme pour toute institution en devenir, c’est l’histoire qui permettra de faire le tri des fonds récupérés. Celui de Bettina Rheims apparaît déjà curieusement daté et démodé et de fait politiquement non correct, mais on retiendra son travail « Détenues 2014 », qui présente crûment des portraits de femmes retenues dans les prisons françaises. Pas un sourire de ces demi-corps mal attifés et de ces visages non maquillés, inexpressifs dans lesquels le caractère volontairement neutre laisse deviner la grande tristesse. Agnès Varda, avec « Expo 54 », nous montre la partie photographique de son oeuvre. Elle est alors toute jeune artiste, disposant d’un matériel rudimentaire, pour photographier le Paris des années 50. Le dépôt de ses archives, tirages contacts et négatifs fait par ses enfants doit permettre de connaître mieux cette partie du travail de cette artiste aux multiples talents. Centre de documentation, l’institut commence à explorer la bibliothèque de Lucien Birgé : 25 000 ouvrages de photographie à terme. On y découvre avec surprise la genèse de l’Édition photographique et notamment cet exemplaire d’un ouvrage russe datant de 1934 dont les pages sont tournées sous les yeux des visiteurs. Elles révèlent la partie sombre de l’histoire de pauvres gens montrés dans leurs laideurs, leurs blessures et leurs stigmates. On en retire le senti-ment que le fonds est immense et inédit et qu’il permettra ultérieurement de grandes opérations quand, après travaux dont la Région est maitre d’ouvrage et dont le calendrier reste incertain, le bâtiment définitif sera enfin livré au public La première présentation des fonds photographiques, dans le cadre du projet baptisé « Perspectives », est visible jusqu’au 5 décembre 2021.


Jean-Michel Stievenard pour La Croix du 23/10/2021