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Maison de la Photographie / Lille / Hauts-de-France
 

Voix du Nord : Cédric Delsaux fait entrer Lille en Force dans « La Guerre des étoiles »

Cédric Delsaux fait entrer Lille en Force dans « La Guerre des étoiles »

C’est l’histoire d’un môme qui regarde, bouche bée, Le Retour du jedi au cinéma en 1983, et qui publie, 28 ans plus tard, un bouquin préfacé par Dieu-le-père lui-même, George Lucas, l’homme de La Guerre des étoiles. « C’est la cerise, énorme, qui écrase le gâteau », s’amuse Cédric Delsaux, 38 ans. On imagine la surprise de Lucas, pourtant blasé par trente années d’interprétations de son mythe, face à ces troupes de choc de l’Empire patrouillant sous un pont parisien, ce Faucon Millénium amarré à la tour Burj Dubaï, ou ce X-Wing frôlant un immeuble sous le regard de Dark Vador. Le grand homme a-t-il reconnu, à l’arrière-plan, la cité administrative de Lille ?

Comment la ville a-t-elle atterri dans un ouvrage à l’écho interstellaire ? Par la grâce des Transphotographiques. Impressionné par l’univers de Delsaux, Olivier Spillebout, fondateur de feu le festival, lui commande une série sur la région. Au Tri postal, en 2007, on découvre éberlué Han Solo (période carbonite) prisonnier d’Euralille, ou des quadripodes impériaux perchés sur des friches industrielles. « Ce qui m’intéresse, c’est de déplacer notre perception des choses, explique Cédric Delsaux. Quand je me promène, j’aime qu’on me dise « Que faites-vous là ? ». Mon rôle est de remalaxer le réel. Pour qu’on se dise « Tiens, je n’avais pas vu ça ». » Car l’abondance de droïdes et de sabre-lasers ne doit pas tromper. Du jedi ou du parking de supermarché qui l’entoure, la vedette n’est pas celle que l’on croit. « Star Wars est un alibi pour parler du décor, un élément perturbateur pour décaler l’angle de vue. Si on pense que c’est un pastiche, si ça ne tient que grâce aux personnages, c’est raté. Le sujet, ce n’est pas Dark Vador en short sur la plage, c’est la plage. » Face au double écueil de la parodie et de l’hommage, Delsaux avait un atout maître : « Je ne suis pas fan. » «  Admirateur » mais non dévot des deux trilogies, « un peu trop narratif pour moi ». Il incline plutôt vers Terrence Malick ou Gus Van Sant. Lui, l’accro à la photo, tenté un temps par le journalisme, a vite senti qu’il n’était « pas là pour raconter la vie des gens ». Il restait à l’ex-étudiant en cinéma et en lettres, tour à tour libraire et concepteur-rédacteur dans la pub, à trouver sa voie. «  J’ai mis du temps. »

Réalité fantastique

Sa « première euphorie » argentique remonte à un voyage en Turquie, à 14 ans. Il s’empare de l’appareil paternel, un «  Minolta XG-2 » et capte des paysages, uniquement, par « timidité ». Plus tard, une vue de William Eggleston (un camion dans la lueur du couchant) dévoilera au jeune amateur « l’énigme de la photo, cette puissance » qui ne naît pas forcément « du style ou de l’effet ». Ce fils d’un informaticien et d’une prof de chimie pratique sans relâche, dévore des bouquins. Jusqu’à ce qu’en 2002, « viré » de son agence de pub, guéri de ses « complexes », il se lance. Un an plus tard, il débute une série aux développements inattendus.

Pour La Vitrine des choses, il parcourt le littoral, de Knockke-le-Zoute aux plages picardes, pour saisir « des lieux vides cadrés comme des décors de cinéma ». « Transfigurer », toujours. Deux ans plus tard, il récidive, en banlieue parisienne. Mais quelque chose cloche. Ou plutôt, manque. « Puisque la réalité me semblait fantastique, je me suis dit « Vas au bout « . » Des figurines Star Wars, incrustées sur les photos a posteriori, lui fourniront sa pièce manquante. Son révélateur.

Les puristes s’indigneront du trucage, du bricolage du « réel » ? Sauf que Cédric Delsaux ne croit pas au réel. Décrète que « la fiction a tout envahi ». Cite Baudrillard. Revendique, pour ses paysages, la froide neutralité de « l’école allemande  », pour mieux lui injecter sa « subjectivité » : Star Wars, « summum de la culture populaire ». Le résultat, un « entre-deux » troublant, a fini par taper dans l’oeil d’un certain grand manitou américain. « Vu des États-Unis, Dubaï et Lille sont tout aussi étonnantes », assure l’auteur, capable de rendre un garage en vrac aussi évocateur que le R2D2 planté au milieu. Un compliment irait comme un gant à Cédric Delsaux : «  Incroyable, cette photo. Au fait, c’est qui le type avec le casque noir ? » •

« Dark Lens », éditions Xavier Barral. Tirages en vente à entre2galerie, Paris.

 

 

 

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Depuis 1997, l'Atelier de la Photo, devenu en 2003 la Maison de la Photographie, présente à Lille le meilleur de la Photographie internationale, tout en soutenant la création régionale et la pratique amateur.