À la Maison de la photographie l’homme qui a vu l’homme qui attendait Godot
D’habitude, l’artiste expose à Ber-lin, à Los Angeles et à Moscou (en 2007), à Istanbul (2006) ou en-core à Rome (2005)…
Cette fois, c’est à Fives que François-Marie Banier est visible. Olivier Spillebout peut faire une nouvelle entaille sur son canif : il vient de réaliser un joli coup. Banier n’est plus là (il l’était vendredi) mais, dans sa dernière expo, est proposé au regard du curieux Beckett. Le vrai. Samuel, écrivain et poète, à qui l’on doit En attendant Godot, mort en 1989 et enterré à Paris. Pour la petite histoire, et comme sublime clin d’oeil au destin, il y a devant sa tombe un arbre qui rappelle le décor de sa célèbre pièce.
François-Marie Banier a marqué Beckett à la culotte. Façon gentil paparazzi. À Tanger d’abord, où l’Irlandais a résidé. Sur certains clichés, on reconnaît l’esplanade des Fainéants derrière une silhouette longiligne. La maigreur de Beckett interpelle. Ce Tanger intime est différent de celui de Matisse, autre habitué des lieux, qui allait chercher du bleu au café Hafa. Depuis Fives, on suit les déambulations de Beckett dans la cité marocaine. Une date est posée : 1978. Il y a des rues, beaucoup de rues, et la plage. En quelques pas, dix ans s’écoulent. On retrouve Banier, qui suit toujours Beckett, mais à Paris. On est en 89. Déjà au Maroc, les tempes du sujet.mille et une fois photographié étaient plus sel que poivre. Là, la photo est en noir et blanc. Beckett est à la fin de sa vie.
L’« affaire » Liliane Bettencourt, c’est lui Banier à Lille, c’est le troisième acte. « En 2003, il a été exposé dans la crypte de Notre-Dame de la Treille », note Olivier Spillebout, patron de la Maison de la photo. À cette époque, Banier, reconnu pour ses peintures sur photo et connu pour avoir été une figure de là jet-set, n’est pas le personnage controversé qu’il est devenu. ‘La fille de Liliane Bettencourt, elle même fille du fondateur de L’Oréal, a saisi la justice : une plainte a été déposée pour abus de faiblesse. La somme qu’aurait léguée, Liliane Bettencourt à Banier n’est pas loin du milliard d’euros. Signe que les histoires sont finalement–arrangées ? L’Oréal soutient cette expo présentée dans le cadre de la Maison européenne de la photographie, dans une version hors les murs, une expo qui vient en écho
à la sortie d’un bouquin, Beckett (Steidl). De son côté, Olivier Spillebout préfère ne voir que les oeuvres accrochées. Avant ça, Il n’avait jamais rien vu de Beckett. Comme lors de l’expo « Lagerfeld » en 2008, il a aimé les histoires que racontent les photos. « On est un peu dans le même esprit. » Techniquement, les clichés ne sont pas ceux qui serviront de modèle dans les écoles de photo, mais ils parlent.
Emmanuel Crapet
Voix du Nord du 22 novembre 2009