La Maison de la photo veut exister
La Maison de la photographie, à Fives, avait dû fermer provisoirement ses portes en octobre. À l’époque, Olivier Spillebout, son directeur, avait suscité la polémique en montrant la Ville et tille 3000 du doigt. Et maintenant ?
En octobre dernier, la Maison de la photographie devait fermer provisoirement, faute de finances. où en est-on ?
» Nous prévoyons de la rouvrir lors du prochain festival Transphotographiques. Ensuite nous verrons, nous tentons d’associer un projet économique au projet culturel.
En quoi la Maison de la photo vous semble-t-elle utile, à Lille, dans le quartier de Fives ?
» Plus qu’utile, le projet culturel porté par la Maison me semble essentiel. Fives est un des quartiers les plus touchés par la détresse sociale, les problèmes d’emploi, de logement, et d’accès à l’éducation. Il doit absolument être tiré vers le haut. De nombreux travaux de réaménagement ont été entrepris par la Ville. Mais pour certains Fivois, c’est le début d’une immense déception : les pavés sont neufs, les bâtiments aussi, mais la qualité architecturale et la mixité sociale ne sont pas encore vraiment là. En huit ans de mandat, le paysage métropolitain et régional ne s’est toujours pas doté d’un lieu officiel dédié à la photographie. à la hauteur de ses ambitions. Le travail réalisé depuis 2004 avec le directeur de Mai-son Européenne de la Photographie à Paris nous aurait permis de décentraliser des collections à la Maison de la Photographie de Lille. C’était formidable. Mais nous devons y renoncer pour la simple et triste raison que les projets d’envergure ne peuvent être portés que par Lille3000.
L’édition 2009 des Transphotos va-t-elle être revue à la baisse ?
» Oui, forcément. En terme de subventions, nous per-dons de nombreuses lignes budgétaires, nous ramenant sur des budgets d’il y a 4 ans. Aussi parce que Lille 3000 occupe les lieux stratégiques du festival, le Palais des Beaux Arts, le Tri Postal ou l’Hospice Comtesse. Nous migrons le cœur du festival au palais Rameau et à la Maison de la photo et nous gardons quelques beaux lieux mais petits, comme le palais Rihour. Bien évidemment, l’édition sera soignée, mais pas à la hauteur d’un rendez-vous international.
Vous montrez souvent du doigt Lille 3000. Est-il impossible de coexister avec cette manifestation ?
» Bien évidemment cela serait possible et souhaitable, si les règles de coexistence étaient claires, équitables et respectées. On voit bien que la priorité est systématiquement don-née à Lille 3000. J’adhère complètement à cette initiative, à la condition qu’elle soit un véritable levier. Aujourd’hui, sous son format actuel, je n’adhère pas. L’accordéon. les Rencontres audiovisuelles, Les Transphotos et bien d’autres ont contribué à l’émergence du nouveau paysage culturel, sans bénéficier des facilités du « bulldozer » municipal, et au final, nous ne sommes associés à rien. Pourquoi tous ces acteurs culturels ne sont pas au conseil d’administration de Lille3000 ? Aujourd’hui, la direction de Lille 3000 estime qu’elle nous subventionne et qu’on « crache dans la soupe » quand on ose émettre des critiques !
« La direction de lille 3000 estime qu’elle nous subventionne et qu’on « crache dans la soupe » quand on ose émettre des critiques ! «
D’autres acteurs culturels de Lille trouvent que vous êtes déjà bien lotis…
» Attention à ne pas être instrumentalisés : diviser, c’est une manière de mieux régner. Il est dangereux de comparer des budgets et d’arrêter l’analyse à des valeurs absolues. Une manifestation se tenant sur un week-end ou une semaine, et sur un seul lieu, coûtera forcé-ment moins cher qu’une manifestation se déroulant sur huit semaines et plus d’une vingtaine de lieux. De la même façon, le parti pris résolument d’orienter le festival sur l’inter-national, coûtera à l’arrivée beaucoup plus cher. La gratuité aussi est un paramètre important. Faire payer l’entrée aux expos est un vieux débat au sein du festival. Je pense qu’il est important que certaines manifestations financées principalement par des fonds publics soient capables d’offrir la gratuité. Au regard de l’ensemble de ces indicateurs, les Transphotos et la Maison de la photo sont une des manifestations les moins chères de notre région, mais aussi de France. Si l’on compare au prix d’une seule expo comme celle sur La Chine au Tri Postal porté par Lille 3000 a 170 000 €, alors que la ville nous subventionne à hauteur de 200 000 €, non je ne pense pas que nous soyons particulièrement « bien lotis ».
Quel avenir pour les Transphotos ?
Où en sont les discussions avec Catherine Cullen, l’adjointe à la culture ? » J’ai du respect pour elle et nous sommes en bonne relation de travail avec les différents directeurs de la Ville en charge du dossier. Malheureusement il n’y a pas de débat de fond : ni Catherine Cullen ni moi n’avons la possibilité de faire évoluer quoi que ce soit dans la politique culturelle, les décisions sont prises ailleurs. Nous n’avons jamais demandé de subventions supplémentaires à la Ville, nous souhaitions simplement qu’elle accepte de voir qu’un désengage-ment sur les aides indirectes (technique, gardiennage, etc.), ou directes, c’est au final une baisse de subvention.
Et avec les autres financeurs ?
» Pour le conseil régional, Catherine Génisson nous avait confirmé son soutien au festival pour 2009 en juin dernier. Nous espérons que nous pourrons très vite préparer l’édition de 2011 consacré au Nord – Pas-de-Calais. Pour LMCU, nous n’avons toujours aucune réponse pour l’aide 2009. C’est difficilement acceptable quand on sait que la nouvelle présidente a fait voter une subvention de plus 1,5 millions fin 2008 pour Lille 3000… Et plusieurs collectivités, comme le conseil général ou Courtrai, arrêtent de nous soutenir et font un transfert de subventions au profit de Lille3000. Malheureusement l’ensemble de la subvention qui nous arrive de Lille 3000 ne compense pas ces lignes budgétaires.
Pensez-vous que ça vaille le coup de poursuivre l’aventure avec une voilure réduite ?
» J’ai bien conscience qu’à Lille il est mal venu de dénoncer les choses que nous trouvons effarantes et inéquitables. Si on veut ne pas disparaître, il faut certainement dire que tout est formidable et que le projet du maire, Lille 3000, est super. Alors nous préparerons le festival 2010 avec les moyens que l’on voudra bien nous donner, et puis 2011, les 10 ans du festival. En espérant que Martine Aubry saura, comme elle a su le faire quand le paysage politique lui était moins favorable, composer, écouter, et rééquilibrer un paysage culturel où chacun sera capable d’apporter le meilleur. •
Propos recueillis par Youenn MARTIN > youenn.martin@nordeclair.fr
NORD ÉCLAIR – SAMEDI 21 FÉVRIER 2009

Olivier Spillebout, dans la Maison de la photographie, rue Frémy, à Fives.