DailyNord : L’Institut pour la Photographie va-t-il sortir du flou ?
« C’est un projet compliqué... ». Les propos des interlocuteurs que nous avons contactés rendent tous le même son de cloche. La grande idée d’un établissement-phare dédié à l’art photographique joue de malchance. Les travaux de réhabilitation et d’aménagement attendent toujours leur premier coup de pioche. L’ouverture définitive était prévue pour « fin 2020 ».
A la fin de l’année dernière, l’établissement fermait ses portes pour cause de grands travaux. Le chantier est ambitieux et s’appuie sur la transformation et l’agrandissement d’un ancien hôtel particulier de 3600 mètres carrés dans le Vieux-Lille – l’ancien lycée Lalo – à fin d’héberger un projet culturel non moins important. Depuis 2018, date à laquelle le projet était porté sur les fonts baptismaux avec le concours des Rencontres d’Arles et de Xavier Bertrand, féru de photographie, et Martine Aubry (relire notre enquête, et l’analyse politique), le programme avance à pas mesurés. La pandémie du COVID a retardé le rythme d’avancement du programme et l’établissement reste confiné dans des actions pédagogiques, des colloques ou des manifestations artistiques de qualité – plusieurs fonds photographiques de grande valeur ont été acquis ou légués à l’établissement. Ce dernier « poursuit le développement de ses partenariats pour investir de nouveaux lieux et associer la photographie à différents programmes culturels et de loisir ». selon la communication officielle. L’établissement s’articule avec les autres structures des Hauts-de-France consacrées au huitième art, le centre de ressources photographiques de Douchy-Les-Mines et les Photautomnales de Clermont (Oise).
. »Nous faisons attention à ne pas dépasser l’épure budgétaire qui nous est confiée », explique une source proche du dossier. Une épure qui frôle déjà les 25 millions d’euros* décidés – investissement et fonctionnement – puisqu’en octobre dernier, la commission permanente du conseil régional des Hauts-de-France votait une enveloppe supplémentaire destinée à financer la réhabilitation du bâtiment devant accueillir l’Institut (nos informations). Comme tous les projets de grande ampleur, ce dernier est entré dans la phase de négociation entre le maitre d’oeuvre – le cabinet d’architectes Berger et Berger à Paris- et le maitre d’ouvrage, le conseil régional, propriétaire d’une grande partie du bâtiment (le 9 et 11 de la rue de Thionville, le 7 reste la propriété de la Métropole européenne de Lille qui avait cédé les deux adresses précédentes pour un euro symbolique). Selon nos informations, les deux parties ont abouti mais les études préliminaires sont apparues plus complexes que prévu. « Un projet compliqué…« , doit-on entendre que le dessin définitif n’est pas encore validé ? « Il s’agit pratiquement d’un second projet.. », confie notre interlocuteur. Contacté par Dailynord, le cabinet de Xavier Bertrand n’a pas répondu.
Les procédures engagées devant le juge administratif pour contester les subventions votées par le maitre d’ouvrage semblent purgées (nos informations). Contrainte à la fermeture pour cause d’extinction des subventions municipales de la ville de Lille et celles du conseil régional, la Maison de la Photographie, créée il y a presque un quart de siècle, a souffert de la concurrence de l’Institut considérée par elle comme déloyale au détriment des « petits acteurs culturels ». Ce qui n’a pas empêché son directeur Olivier Spillebout, de proposer au président des Hauts-de-France d’accueillir l’institut dans les locaux de l’ancienne Maison de la Photo dans le quartier de Fives, « pour que la photographie retrouve un espace d’expression à la hauteur de ce que ses artistes méritent« , selon le courrier que vous avons pu consulter. Les deux hommes n’entretiennent pas les relations les plus cordiales – chacun d’eux se sent « insulté » par l’autre – et ont pris l’habitude de communiquer par papier bleu et procédures de justice (nos articles ICI et ICI)…
*Les grands équipements culturels sont réputés dévoreurs de capitaux publics. Créé il y a une trentaine d’années, le studio d’arts contemporains du Fresnoy à Tourcoing, lui aussi équipement de référence, avait coûté 128 millions de francs. Après un premier audit en 2003, la Chambre régionale des comptes s’est récemment penchée sur le bilan financier et budgétaire de l’établissement tourquennois en pointant la rémunération du fondateur (nos révélations). Un budget abondé chaque année par les collectivités dont la région des Hauts-de-France, décidément généreuse. Depuis 2018, une dizaine de subventions ont été votées par le conseil régional pour l’institut pour la photographie. En février 2016, feu Pierre de Saintignon rendait un hommage appuyé à la Maison de la photographie à l’occasion du vernissage de l’exposition Julian Lennon : « Celle qui donne la chance aux artistes et celle qui est un instrument de proximité vers la population car nous sommes ici dans un quartier très populaire (NDLR : Fives) ».