Mirkine, photographe de Cannes : sa petite-fille dans l’oeil doux de Léo
Elle porte un prénom, Stéphane, qui ne doit rien à Audran. « Mes parents étaient originaux. » Son grand-père aussi. Léo Mirkine a photographié les stars au festival de Cannes de 1946 à 1982. Instants de connivence, moment d’intimité. Vraie vie au royaume de la chose jouée. La petite-fille de Léo commente ses photos, exposées à l’hospice Comtesse de Lille, avec ardeur, admiration et profondeur.
Stéphane Mirkine va droit à Gabin. Debout au milieu d’une tablée, l’icône sourit. Il est bien mais ailleurs, en cet instant où Léo Mirkine l’a saisi. Dans « cette lumière gui monte au ciel, résume-t-elle. Mon grand-père ne volait rien. C’était, toujours des moments très intimes. » En voici un autre. Michael Todd et Elizabeth Taylor devant leur hôtel. en 1957, au petit matin. Pas stars pour deux sous. Elle ressemble à une paroissienne qui irait à la messe. cigarettes à la main. « Je pense qu’ils se sont engueulés, ils ne se regardent pas, C’est entre eux », note Stéphane.
Barbu imposant et nonchalant. son grand-père connaissait tout le monde à Cannes, où il vint dès le premier festival, en 1946. Il était photographe de plateau à Nice. « Enfant déraciné », réfugié de Russie en 1919, cet homme cultivé et libre « regardait les autres avec le coeur, avec humilité. Les stars sentent ça. Il y avait un réel échange. »
Il savait qui serait star
Reportage ou photos de film, Léo Mirkine ne changeait pas d’approche. « Il savait chercher chez l’autre toute sa sensibilité et sa douceur », dit Stéphane. Gérard Philipe, dans Till l’espiègle, et un exemple parfait. Son regard est rêveur, légèrement mélancolique, un rien rieur, abandonné comme sa main. Léo « prend la photo au moment où l’autre est le plus dans la lumière, analyse sa petite-fille. restait des heures, n’appuyait pas beaucoup, il attendait le moment où il y avait une connivence, don de l’un à l’autre. » Ce don était souvent féminin. Michèle Morgan tourne la tète à la meute des reporters pour lui tendre son visage. BB offre sa gorge et ses yeux. Mais voici « Brigitte avant qu’elle ne soit Bardot », Lolita sur la plage, en 1953. « Mirkine savait qui allait devenir star, et tout le milieu du cinéma savait qu’il savait, indique Stéphane. Il avait l’oeil le coeur, la réflexion. II avait senti que ça allait être le moment pour BB, il n’évoluait pas du tout dans ce brouhaha de paillettes. il était dans la vie. » D’où tant de portraits de stars très jeunes Patrick Dewaere rieur dans un panache de fumée aussi ondulant que sa chevelure Simone Signoret d’une beauté étrange et pure… « Je crois qu’il aimait beaucoup les femmes », sourit Stéphane. Euphémisme. Farrah Fawcett, Sophia Loren, BB… « il y a une collection de nus connue de moi seule, livre Stéphane, qui gère le fonds de Léo et de son fils Yves. Certains, somptueux. « Une dame le cul sur un piano… « . A la mort de son père, Stéphane Mirkine, 46 ans. a plongé dans « les boîtes pourries de négatifs, j’ai jailli reculer. » Une masse de 120 000 vues. pas encore entièrement explorée. « Leur métier était photographe. Le mien est de les faire reconnaître. Je classe, je sauve.. » Enfant. elle mangeait sur les genoux de Bourvil, riait quand Léo pleurait en chantant. Elle espère un lieu d’exposition permanent. Elle vient de publier un livre, le 9 mai. « le jour de la mort de mon père, j’ai bouclé la boucle. Je peux rentrer à la maison. »
Christian Furling (Photo Patrick James)
Voix du Nord du 19 mai 2007
Stephane commente les photos de Léo Mirkine, son grand-père, à l’expo « Stars » des Transphotographiques