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Maison de la Photographie / Lille / Hauts-de-France
 

Le Soir : Entre nostalgie du ciné de papa et découverte d’univers singuliers

Entre nostalgie du ciné de papa et découverte d’univers singuliers

A Lille et environ, les Transphotographiques redécouvrent de nombreux photographes qui surent faire vibrer les stars du passé.

Avec une grâce et une poésie inattendues, Robert Mitchum esquisse un pas de danse sur une plage cannoise. Léo Mirkine est là, pour saisir cet instant magique et en faire une image qui traversera le temps.

Des images comme celle-là, on en trouve à foison dans la très belle exposition que les Transphotographiques de Lille consacrent à cet homme qui fut photographe de plateau puis devint l’un des plus fameux photographes du festival de Cannes. A l’Hospice comtesse, on découvre ainsi une série d’images irrésistibles de Grace Kelly en 1955. Un peu plus loin, c’est Fritz Lang, bandeau sur un œil et monocle sur l’autre. Michael Todd et Liz Taylor se tournent le dos à la sortie de leur palace en 1957. Sur la plage, Kirk Douglas fait des tresses à la toute jeune Brigitte Bardot en 1953. Un an plus tôt, Mirkine la photographiait sur son premier tournage tout comme il avait réalisé les premières photos d’essai d’un gamin nommé Gérard Philipe.

Au Palais Rihour, les photos de Lucien Clergue témoignent de l’ambiance magique du tournage du Testament d’Orphée de Jean Cocteau. Décor, costumes, comédiens, tout semble sortir d’un rêve, y compris les innombrables personnalités, de Yul Brynner à Picasso en passant par Truffaut, Jean Marais, Charles Aznavour ou Serge Lifar, apparaissant dans le film ou passant simplement sur le tournage.

A la Maison Folie de Wazemmes, c’est l’Italie qui nous attend avec les images de Federico Patellani saisissant Roberto Rossellini et Ingrid Bergman sur le tournage de Stromboli, ou encore le regard de gosses interloqués face à la starlette dénudée, Silvana Pampanini. Mais on découvre aussi le travail de Federico Garolla, plus poétique, plus intimiste, aux côtés notamment de Mastroianni, Sophia Loren et bien d’autres géants du cinéma italien.

Comme chaque année, le Tri Postal reste cependant le centre nerveux de la manifestation. C’est là qu’on découvre les univers les plus singuliers, les expérimentations les plus neuves, les installations les plus fascinantes comme cette photographie géante d’Agnès Varda montrant simplement la mer à Noirmoutiers, tandis qu’une lumière étrange surgit du ciel. Exposée comme si elle était projetée sur grand écran, elle est accompagnée d’une bande-son où le bruit des vagues nous plonge dans une douce contemplation. Sur le côté, la même image en petit format, tirée en argentique et sertie dans un cadre doré à l’ancienne, prend une tout autre dimension. Comme un secret précieux à partager seulement avec quelques-uns.

Mais avant de découvrir ce secret et toutes les merveilles que recèlent les étages (lire page suivante), on peut déambuler au rez-de-chaussée parmi de multiples portraits de stars du cinéma d’aujourd’hui. Jerome de Perlinghi ouvre les festivités avec une série de beaux portraits en noir en blanc accompagnée d’une projection et d’un commentaire off du photographe, racontant com- ment il a réalisé ses différentes images. Robert Altman, Juliette Binoche, Glenn Close, Michael Caine, Johnny Depp, les frères Dardenne, Wim Wenders, c’est tout le cinéma d’aujourd’hui qui défile ainsi sous nos yeux. On le retrouve juste à côté, sous une autre forme, avec les images couleurs de Denis Rouvre montrant un Mathieu Amalric au visage bandé comme l’homme invisible, un Benoît Poelvoorde dramatique, un Roberto Benigni quasi menaçant…

En face, on découvre ses étonnants photomatons où les stars se mettent elles-mêmes en scène. L’exercice est amusant mais sou- vent redondant sauf dans le cas d’un Delon qui, de manière étonnante, livre de lui-même une image bien moins contrôlée qu’attendu.

Autre style encore avec Sebastien Copeland, qui organise de complexes mises en scène pour photographier des stars parmi lesquelles Sandra Bullock semble avoir sa préférence. Rien à voir entre ces grands tirages assez kitsch et la sobriété du noir et blanc du studio Harcourt, continuant inlassablement à photographier ses modèles comme dans les années 50. Jeanne Moreau, Laetitia Casta, Carole Bouquet, Christian Lacroix et bien d’autres se prennent au jeu et s’offrent un moment d’éternité.

JEAN-MARIE WYNANTS, Le Soir du 30 mai 2007