Le photographe Régis Feugère, installé à Angoulême, a mené un atelier avec une classe de primaire à Houdain-lez-Bavay à la fin de l’année 2023. Accompagné de la photographe Élisa Comte, il a guidé les enfants dans la confection de cartes postales de leur village. Ce projet a été réalisé en partenariat avec la Maison de la Photographie de Lille.

Une collaboration avec la Maison de la Photographie de Lille
Comment avez-vous commencé à travailler avec la Maison de la Photographie de Lille ?
Régis Feugère : En 2011, j’ai exposé au Palais Rameau à Lille dans le cadre des Transphotos, une exposition organisée par Ericka Weidmann, alors commissaire d’exposition. Le soir du vernissage, nous avons pris un bus pour la Maison de la Photographie, et je me suis dit : « Un jour, tu exposeras ici. » Cinq ans plus tard, j’ai envoyé un projet à Olivier (Spillebout), qui a beaucoup aimé mon travail et a souhaité l’exposer. En 2016, j’y ai donc présenté une série d’images déjà produites.
L’an dernier, Olivier m’a recontacté pour me proposer de revenir travailler sur un projet. Il m’a invité à animer des ateliers et à poser mon regard de photographe sur la région. J’ai accepté sans hésiter.
Le projet des cartes postales : réinterpréter le village
Qu’est-ce qui vous a inspiré pour ce projet de cartes postales ? Pensez-vous qu’il contribue à la mémoire et à l’identité locale ?
J’avais déjà travaillé sur la photographie vernaculaire, c’est-à-dire la photographie de famille et du quotidien. Les cartes postales m’ont semblé être un bon support à revisiter, car elles ont tendance à disparaître, tout comme les petites agglomérations.
En voyage, j’ai rencontré des brocanteurs qui vendaient des stocks entiers de photos de famille. Cette photographie populaire du dimanche continue de résonner. Je me suis dit que ce médium parlait encore aux enfants. L’idée était donc de leur faire photographier leur environnement au-delà des clichés traditionnels – église, mairie, école – et de capter le paysage environnant à travers leur propre regard.
Utilisez-vous régulièrement les cartes postales dans votre travail ?
Oui, j’aime en acheter et en envoyer. C’est un support généreux, qui prend le contrepied de l’immédiateté du numérique. Écrire une carte postale, c’est prendre le temps de penser à quelqu’un et de laisser une trace tangible. J’apprécie cette lenteur et cette application qu’exige le geste.
L’atelier avec les enfants
Comment s’est déroulé votre premier jour à l’école ?
Cela faisait longtemps que je n’avais pas travaillé avec des enfants. Je leur ai présenté mon travail sans entrer dans l’histoire technique de la photographie. L’idée était d’attiser leur curiosité en leur parlant de mes expériences et de mon approche. Cela a permis d’engager un dialogue naturel avant de leur proposer la création des cartes postales.
Quel était le matériel à disposition ?
Nous avions cinq ou six appareils photo, prêtés par la Maison de la Photographie, ainsi que ceux d’Élisa et le mien. Chaque enfant a pu expérimenter la photographie avec un réflex, plutôt qu’avec un téléphone. Beaucoup n’avaient jamais eu d’appareil photo entre les mains auparavant.
Comment étaient les enfants face à vous ?
Ils étaient intrigués de rencontrer un photographe. Pour eux, un artiste, c’est souvent une image figée dans le passé, avec un chevalet et un béret. Là, ils découvraient une pratique contemporaine et se posaient des questions sur le quotidien d’un photographe professionnel.
Un regard sur la photographie et les nouvelles générations
Comment percevez-vous cette génération née à l’ère du numérique ?
J’essaye de leur apprendre à ralentir. Avant de prendre une photo, il faut observer la lumière, choisir un cadrage. Il ne s’agit pas de multiplier les clichés mais de réfléchir à l’image que l’on veut proposer. Beaucoup pensent maîtriser les outils numériques, mais en réalité, ils ignorent souvent où sont stockées leurs images.
Y a-t-il des clichés d’enfants qui vous ont marqué ?
Les plus timides font souvent les photos les plus personnelles. Leur regard attentif et leur discrétion leur permettent de capter des instants différents. C’est toujours une surprise.
Clôture de l’atelier et restitution
Comment s’est terminé l’atelier ?
Le vendredi, nous avons sélectionné des images avec Lionel, le directeur de l’école. Les enfants ont ensuite voté pour leurs préférées. Une restitution est prévue avec l’ouverture d’un carton contenant leurs cartes postales imprimées. Ce ne sera pas un vernissage classique, mais un moment de découverte et de partage.
Ce projet a permis aux enfants de s’approprier leur territoire autrement, de capturer leur village à hauteur d’enfant. Un bel exercice de création et de transmission, loin des standards imposés par l’immédiateté numérique.
Propos recueillis par Carla Gaultier Bruxelle


