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Maison de la Photographie / Lille / Hauts-de-France
 

DailyNord : Les Transphotographiques retrouvent le déclic

Les Transphotographiques retrouvent le déclic

Le festival des Transphotographiques fête ses vingt ans. Un anniversaire en forme de renaissance après tentative d’élimination. Après douze mois de gestation, le grand rendez-vous des amoureux de la photo rallume la lumière. Transphotographiques saison 2.

« J’avais vingt ans, je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie ». Alors qu’il effectue les ultimes accrochages, Olivier Spillebout doit ressasser la phrase de Paul Nizan. Le directeur de la Maison de la photographie installe en un lieu improbable les XXèmes Transphotographiques. Le festival débute ce samedi et prend place au premier étage de la galerie des Tanneurs, au cœur de Lille, dans les anciens locaux de la FNAC. Libéré des ordinateurs, des smartphones et des écrans de télévision, les volumes ont été redéfinis. Ils se prêtent fort bien à la tenue d’une exposition. « Une opportunité » confie Olivier Spillebout. La société des grands magasins a prêté gracieusement ses murs. « Les XXèmes Transphotographiques se sont montées à coup de débrouille et de motivation » . Cette année la manifestation n’accueille pas de stars de l’objectif mais elle fait la part belle aux photographes des Hauts-de-France et récompense en premier lieu Jeremy Lemplin, photographe originaire du Pas-de-Calais, pour son travail exceptionnel intitulé ,« docteur Peyo et Mister Hassen », réalisé au centre hospitalier de Calais. Démonstration de la qualité et de l’exigence de ces Transphotographiques, Jeremy Lemplin a reçu le Visa D’or au festival du Photojournalisme de Perpignan.

Ce travail de découverte rend d’autant plus incompréhensible et invraisemblable le sort réservé à cet évènement, un des plus importants en France, en matière d’art de la photo.

En effet et quelque soit l’appréciation qu’on puisse porter sur ces promoteurs-créateurs, on nage en plein « absurdistan » dès lors qu’on rembobine le film de cette success story.
En 2000, Olivier Spillebout se trouve à Arles au festival des rencontres photographiques. Il y rencontre Willy Ronis, le géant de la «photo humaniste », celui dont les clichés immortalisent les grandes grèves ouvrières de la période du front populaire. Qui n’ose rien n’a rien. Olivier Spillebout propose à Ronis de parrainer un festival à Lille en gestation. Ce dernier connait la région, il a réalisé des reportages sur le monde la mine à Lens dans les années 50.


Le monde de la photo est à Lille

90 ans au compteur, le maître dit banco. La première édition des transphographiques est lancée en 2001. On sourit devant les clichés qui immortalisent l’inauguration. Fraichement élue, Martine Aubry se colle toute aimable se colle entre Willy Ronis et Olivier Spillebout. L’année suivante, le festival consacre les femmes photographes et fait œuvre de pionnier en invitant Sabine Weiss. Reconnue aujourd’hui dans le monde entier pour ses reportages sur les enfants, elle a eu droit cette année à une rétrospective aux rencontres d’Arles. Cette année-là, Sarah Moon investit le Palais des Beaux Arts tandis qu’une autre star, la photographe franco américaine Jane Evelyn Atwood, révélée pour son travail sur les femmes en prison et les prostituées des anciennes halles de Paris, débarque à Lille.

Au fil des éditions les transphotographiques se décentralisent dans toute la région. Et bientôt c’est toute la planète photo qui défile à Lille. Le new yorkais William Klein immortalise les joueurs du Losc. L’agence Magnum débarque avec l’emblématique Raymond Depardon qui tire le portrait du Nord-Pas de Calais. Peter Lindberg entre au Palais des Beaux Arts et occupe l’intégralité de l’atrium avec l’exposition « Images of women ». La photo se glisse dans les lieux les plus inattendus. Soutenu par Mgr Defois, évêque de Lille, le festival accroche les tirages du génial et sulfureux Robert Mappelthorphe dans le futur centre d’art sacré de la cathédrale de La Treille. L’élégant détrousseur de Liliane Bettencourt, l’écrivain et photographe François-Marie Bannier présente lui aussi ses grands formats.


Au début, c’était l’idylle

L’époque est idyllique, sponsors et collectivités s’énamourent des Transphotographiques . « C’est Lille qui tutoie Arles » s’émerveille Daniel Percheron, le président socialiste du Conseil régional, partenaire de la manifestation.
En 2008, c’est Arles et Cannes qu’on unit sur le thème « mode et photo ». 3000 personnes massées au Tripostal, attendent durant deux heures, sous une chaleur caniculaire, l’arrivée du géant de la haute couture Karl Lagerfeld qui expose son journal intime photographique. Même émotion avec le grand metteur en scène Costa-Gavras en 2004.
Au fil des ans, les Transphotographiques s’imposent comme le rendez-vous incontournable du 6ème art dans la région. Comment comprendre alors le retournement aussi soudain et imprévisible qui amène Martine Aubry à supprimer la subvention à la maison de la photographie, organisatrice du festival ? L’embrouille commence en 2012 lorsque la subvention, de l’ordre de 250.000 euros, fait l’objet d’une nouvelle répartition entre la ville, la DRAC et le Département du Nord.

Ce montage financier ne durera pas. Après la DRAC, le Département se retire. Et puisque la ville coupe le robinet, la Région Hauts-de-France cesse sa participation. Pour motiver sa décision, la ville de Lille invoquera la fragilité financière de la structure. Argument recevable. Sauf que, et heureusement, tous les organismes financièrement fragiles ne subissent pas un sort identique. Selon Olivier Spillebout, le point de non retour s’est produit en 2018 lorsque son épouse Violette Spillebout a assisté aux vœux de l’opposition aux côtés de Christophe Itier, éphémère leader de la République en Marche à Lille. Un règlement de comptes bas de gamme ? On aimerait se tromper. Malheureusement personne n’avance d’argument crédible pour expliquer ce crash culturel comme DailyNord l’a montré (notre enquête). Depuis plus d’un an, la Maison de la photographie est fermée (nos informations).

Désormais, la ville de Lille a jeté son dévolu sur le nouvel Institut de la photographie. Doté d’un budget de deux millions d’euros, la grosse machine se met en marche, si l’on peut dire. Les premières expositions sont enfin programmées. ll était dès lors facile d’organiser la coexistence des deux structures et même d’observer leur compétition naissante. Samedi matin, on pourra juger sur pièces qu’on n’obtient pas si aisément la peau des Transphotographiques.

En Hauts !, du 25 septembre à fin octobre, galerie des Tanneurs, rue du Sec Arembault, Lille.

Daily Nord par Jean-François Gintzburger | 24 SEPTEMBRE 2021