Transphotographiques 2008 : Garder les yeux ouverts
À l’origine de la création des Transphotographiques, Olivier Spillebout fait le point sur l’édition 2008 d’un festival qui s’est vite fait une place dans le coeur du public. Etat des lieux à l’occasion du démarrage d’un festival bien rempli.
Sortir : Pourquoi avoir fait le choix de travailler sur le thème Photographie et mode, un intitulé qui évoque plus la légèreté et les paillettes que la recherche artistique ?
Olivier Spillebout : J’avais cette idée dans la tête depuis plusieurs années mais déjà avec l’intention claire de ne pas aborder la mode sous son côté catalogue telle qu’on peut la voir tous les jours dans les magazines. Ce qui m’intéressait dans cette proposition, c’était l’évocation de tout ce que recouvrent les notions de mode et de photographie, évidemment en proposant le travail de photographes de mode, mais aussi en s’intéressant par exemple au travail d’anciens mannequins devenus photographes et qui ne travaillent pas forcément sur la mode. L’idée n’était pas du tout de proposer un travail déjà vu, ordinaire et de surfer simplement sur le côté glamour. C’est pour ça par exemple que je suis fier d’avoir des travaux de Karl Lagerfeld cette année. C’est un homme de mode très connu mais dont le travail de photographe est généralement ignoré. Là il nous fait un joli cadeau en nous confiant ces 300 photographies…
Sortir : S’extirper de l’image un peu lisse et people de la mode était-il une gageure ?
O. Spillebout : En partie, parce qu’évidemment lorsqu’on parle de mode, les gens ont plus souvent les icônes en tête que l’ensemble de la chaîne. Ce qui nous intéressait à travers cette édition, c’était aussi de montrer la mode à travers tous ses différents aspects. À la fois les lieux de la mode, ceux qui la font (d’où la présentation du travail de Peter Knapp, directeur artistique de Elle pendant 10 ans), le travail différent des photographes de mode – comme Joseph Chiaramonte – et les propositions à la frontière de la mode de ce que j’appellerai ‘les jeunes photographes créatifs’ et dont Tereza Vlckova ou Sabine Pigalle sont des représentantes dans le festival de cette année.
Sortir : La détection et la mise en avant de nouveaux talents a toujours fait partie des objectifs du festival. Etait-il facile, dans le registre de la mode de dénicher des propositions inédites et intéressantes ?
O. Spillebout : Oui et non. Le festival a acquis une certaine réputation qui nous permet d’approcher plus facilement de grands photographes et qui, dans le même temps, nous vaut de recevoir de nombreuses propositions lorsque nous évoquons notre programmation. Notre travail consiste ensuite à faire le tri et à faire jouer nos réseaux pour dénicher des artistes encore peu exposés dans la région ou même dans le pays tout entier. Parfois certains sont surpris d’être présentés dans le cadre du festival. Cela signifie aussi que nous restons ouverts et capables de surprendre, n’être que dans l’attendu et le convenu n’aurait aucun intérêt pour les Transphotographiques. De la même façon, garder l’oeil ouvert à un niveau européen est important pour nous tout comme peut l’être la possibilité de présenter des oeuvres dans de nombreux lieux différents de la métropole lilloise !
Sortir : Le festival semble désormais être bien inscrit dans le paysage culturel régional et national, comment se porte-t-il ?
O. Spillebout : Paradoxalement, le public est toujours nombreux à se rendre aux expositions que nous proposons (95 000 spectateurs l’an dernier NDLR), mais nous avons toujours du mal à trouver des partenaires publics solides avec qui construire le festival dans la durée. Notre relative indépendance, indispensable à nos yeux, est là une petite faiblesse et nous oblige à jongler entre les partenaires publics. Aujourd’hui, la situation devient malgré tout quelque peu préoccupante, nous avons besoin d’un véritable engagement de la part de nos partenaires pour permettre au festival de survivre. Nos fonctionnons aujourd’hui avec un budget d’à peu près 600 000 €, ce qui est est très modeste par rapport à un festival comme celui d’Arles qui fonctionne avec un budget de plus de 3 millions d’euros tout en attirant moins de visiteurs. Il est vraiment temps que nos partenaires se positionnent, si le privé se mobilise petit à petit, c’est loin d’être le cas du côté des financeurs publics. Ce n’est pas parce que jusqu’ici nous avons pu permettre au festival d’exister avec une telle enveloppe que nous pourrons le faire au cours des années à venir.
Sortir : Comment dans ces conditions envisager le futur du festival ?
O. Spillebout : Ces tracas pécuniaires ne nous empêchent pas de réfléchir à l’avenir, l’an prochain, étant donné que Lille 3000 travaille sur les pays de l’Est, nous proposerons une programmation dans ce cadre, quant à 2010, nous souhaitons axer le festival sur le thème de la région Nord-Pas de Calais, notamment en passant des commandes à de jeunes photographes, mais pour cela, il nous faut commencer à y travailler dès maintenant et sans visibilité de la part de nos soutiens, cela reste difficile, mais l’enthousiasme demeure, surtout grâce au succès que continue de rencontrer le festival.