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Maison de la Photographie / Lille / Hauts-de-France
 

Le Monde : Polémique à Lille autour d’une exposition sur la Palestine

Polémique à Lille autour d’une exposition sur la Palestine

Le Centre régional de la photographie proteste contre la « censure » de son travail par la Ville.

L’exposition « Palestine, d’un monde à l’autre » aurait dû être visible du 12 mai au 15 juin dans le hall de l’hôtel de ville de Lille. Au dernier moment, lors de l’accrochage, plusieurs photos, textes ou légendes ont été refusés. Une polémique oppose, depuis, les organisateurs et la mairie, les premiers criant à la censure, la seconde évoquant un « coup médiatique » de photographes en mal de publicité.

Le Club de la presse du Nord – Pas-de-Calais a décidé d’accueillir dans ses locaux une partie (faute d’espace) de l’exposition. Une manière de permettre au public « de voir et donc de juger par lui-même »,sans toutefois prendre parti dans la querelle, a précisé son président, Philippe Allienne, lors du vernissage, mardi 24 juin.

Programmée dans le cadre du festival Transphotographiques de Lille, cette exposition avait été commandée en février au Centre régional de la photographie (CRP) du Nord – Pas-de-Calais. Elle propose « différentes approches de la situation palestinienne » en confrontant des photos prises au XIXe siècle par l’atelier Bonfils de Beyrouth ou issues de la collection de l’Ecole biblique et archéologique française de Jérusalem, avec des images et des textes d’adolescents des camps de Dheisheh, à Bethléem, et de Madaba (Jordanie) et des œuvres de photographes contemporains : la Palestinienne Rula Halawi, la Brésilienne Fabiana Figueiredo, le Britannique John Tordaï et le Français Pierre Devin, directeur du CRP.

Vingt-deux photos et quatorze légendes de ces derniers ont été refusées par la municipalité, qui a aussi censuré partiellement quatre textes introductifs, affirme Pierre Devin. « Rien de violent, que des scènes de rue, de la vie quotidienne », dit-il.

Pierre Devin désigne comme « censurées » l’une de ses œuvres, un gamin qui brandit, dans la rue, une mitraillette découpée dans du carton ; des portraits de Palestiniennes ayant perdu un fils lors de la première Intifada réalisés par Rula Hulawani,ou encore une image de Fabiana Figueiredo montrant une affiche-hommage à l’auteur d’un attentat-suicide dans la devanture d’une boutique. « Toute une population rend hommage aux résistants de la cause palestinienne, dit-il. En le montrant, le photographe ne fait que remplir son rôle. Cela ne veut pas dire qu’il cautionne le terrorisme. »

Devant cette « censure », le CRP a décidé de retirer l’exposition, refusant l’offre de la scinder pour présenter les œuvres contestées à l’Institut d’études politiques de Lille. « Martine Aubry m’a affirmé que seulement deux photos, et surtout les légendes qui les accompagnaient, étaient concernées, déclare le président du Club de la presse, Philippe Allienne. Elle accuse aussi les organisateurs de l’exposition d’avoir édulcoré les textes litigieux avant de les présenter sur Internet et à la presse. » Une accusation démentie par Pierre Devin.

 L' »ANALYSE » ET L' »ÉMOTION »

Dans son éditorial de présentation du programme du festival, la maire de Lille se réjouissait que, dans cette exposition, « le regard des photographes nous invite à l’analyse autant qu’à l’émotion ». Interrogée par téléphone, la porte-parole de Martine Aubry a précisé au Monde que cette dernière souhaitait s’en tenir au communiqué publié le 31 mai, dans lequel elle « soutient la décision de l’organisateur des Transphotographiques de demander le retrait des images légitimant des actions terroristes » ; tout en rappelant « l’implication de la ville de Lille sur la question palestinienne et son engagement pour la paix au Moyen-Orient ».

Ni la mairie de Lille ni la direction du festival Transphotographiques – pourtant invités – n’ont envoyé de représentant au vernissage au Club de la presse, le soir du mardi 24 juin. Plusieurs militants d’associations juives étaient, en revanche, présents. Accusé par l’un d’entre eux de « favoriser l’antagonisme entre les communautés », Pierre Devin a refusé la polémique. « Le rôle des photographes et des artistes est de montrer la réalité. Si l’on nous avait demandé un regard croisé entre les deux parties, nous l’aurions fait »,a assuré le directeur du CRP.

« La guerre se gagne aussi à travers les images, et il n’est pas anormal que des groupes fassent pression, a-t-il ajouté. Mais nous sommes en République, où la liberté existe encore. Or, je constate une dérive de plus en plus marquée des élus vers un électoralisme qui s’articule sur une politique communautariste »,a-t-il déploré.

Jean-Paul Dufour

Le Monde du 27 juin 2003

« Palestine, d’un monde à l’autre », jusqu’au 12 juillet, Club de la presse, 17, rue de Courtrai, Lille (Nord).

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Depuis 1997, l'Atelier de la Photo, devenu en 2003 la Maison de la Photographie, présente à Lille le meilleur de la Photographie internationale, tout en soutenant la création régionale et la pratique amateur.