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Maison de la Photographie / Lille / Hauts-de-France
 

Liberté Hebdo : « Transphotos » 2011, oeuvres aux Nords…

« Transphotos » 2011, oeuvres aux Nords…

Pour son dixième anniversaire, le festival Transphotographiques a choisi d’explorer le [s] Nord[s] à travers une palette de talents très divers.

A laisser flâner son regard dans les salles de l’Hospice Comtesse, à Lille, on se rend compte à quel point le matériel du photographe a changé, ne serait-ce que dans les cinquante ou soixante dernières années. Mais il s’agit toujours – et cela ne bougera pas – (d’écrire la lumière, avec plus ou moins d’aptitude, plus ou moins de recherche, plus ou moins de sens poétique ou d’acuité instantanée. Le festival Transphotographiques, depuis son lancement en 2001 par Olivier Spillebout, directeur de la Maison de la photo, permet de réunir, pendant un mois, un éventail très riche d’approches de la photo. C’est saisissant, quand de nombreux photographes se coudoient sur un même site. Le Tri Postal de Lille est le champion de cette catégorie, puisque ses murs spacieux vous offrent un voyage dans les univers respectifs de dix-sept expositions, dont une collective.

Tous les styles, touts tes âges»

Toutes parlent des Nord(s), thème choisi pour le dixième anniversaire desTransphotographiques, avec ce pluriel entre crochets qui ne suggère pas de frontières bien définies. D’autant moins quand le chasseur d’images vient de contrées plus ensoleillées pour harponner ce qui se passe plus haut que chez lui. Le festival réunit en effet des artistes nordistes (ou nordiques) et des photographes qui font halte dans les Nord(s) pour voir s’ils y sont.. N’hésitez surtout pas, d’autant que toutes les entrées sont absolument gratuites, à vous transporter dans l’intimité de leur labeur, surtout si vous pensez que la photographie vous intéresse peu. Vous ne quitterez pas indemne ce moment de pénétration dans des vies à portée de regard. Pas un des participants exposés (dans des lieux prestigieux de Lille ou ailleurs dans la métropole) n’est anodin, car chacun présente, à travers le thème retenu, une vision singulière du monde. Cela va de la photo documentaire à la photo contemporaine, de l’image journalistique à l’abstraction poétique. Question de… sensibilité. «Tous les styles et les âges sont représentés », souligne Françoise Paviot, commissaire d’exposition avec Gabriel Bauret. Ce dernier a connu un monsieur nommé Jean-Philippe Charbonnier, dont beaucoup de visiteurs ont déjà pu admirer, à l’Hospice Comtesse, le travail profondément humain. Pas de hasard si un personnage comme Cavanna, pour son ouvrage « Les enfants de Germinal », utilisa des clichés de Charbonnier. Ils voisinent dans le livre avec un Robert Doisneau ou des chefs-d’oeuvres de Willy Ronis (invité d’honneur de la première édition des Tansphotographiques et disparu le 11 septembre 2009). Charbonnier «a intensément travaillé sur le Nord et la Belgique », rappelle M. Bauret. Notamment dans le magazine « Réalités» d’après-guerre. Devant de telles photographies, certaines résultant de mises en scène, les autres étant instantanées, on est confondu par leur force de frappe : les sujets nous parlent en plein coeur. Et si, par exemple, le quotidien d’un mineur nordiste dans les années cinquante ne devait pas être toujours gai, rien ne sue le misérabilisme chez Charbonnier, malgré l’usage du « noir et blanc ». On se prend même souvent à sourire. Exposé dans ses parages, l’Anglais John Bulmer travaillait, quant à lui, en couleurs. l’aboutissement s’avère tout aussi poignant. Le gamin surpris entrain de manger sa tartine à trous, masque noir ramené sur son crâne blond parce qu’on ne goûte sans doute pas avec un masque de Zorro sur les yeux, est d’une telle expressivité qu’on a envie de lui dire quelque chose de familier.

Regards croisés

Une centaine de photographes régionaux, nationaux et internationaux composent la mosaïque des  » Trans 2011 « , titre abrégé figurant sur la couverture du catalogue. Cette édition 2011 est parrainée par Gabriele Basilico, dont les œuvres subliment quelques murs du Palais des Beaux-Arts. Au Palais Rameau, l’exposition « Regards croisés » réunit quatre-vingts photographes de la région, sélectionnés dans le cadre d’un appel à projets. Les découvertes sont multiples. Ce peut être le travail de la journaliste Valérie Broquisse, qui s’est mise à la photo. Celui de Gilles Cruypenynck qui descend l’Escaut. Le fleuve « des jours ouvrés et des jours désœuvrés, l’Escaut des usines, des pique-niques d’été, des guerres perdues et des kermesses gagnantes », écrit France Billard. Il y a aussi Frédéric Lecloux, qui pélerine dans une Belgique qu’il a quittée. Jean Marquis préfère la Deûle. Ses parents avaient repris en 1936 « Le Pavillon Bleu », auberge pour Lillois en goguette, mariniers et autres turfistes. C’est de là que Lecloux planta son tout premier cadrage… Citons encore quelques noms parmi tant d’autres. Anne-Marie Filaire la « Transfontalière », Hervé Dorval (série sur «Les mutations du paysage »), Jurgen Netzger, chroniqueur des mutations du paysage contemporain, sans oublier notre collaborateur (dessinateur et peintre) Philippe Hollevout, qui a choisi le badge comme support à une exposition collective dans sa galerie de la rue Royale. Pas de doute les « Transphotos » ont gagné leur place dans le paysage européen. Sauf que c’est peut-être en pure perte, faute de financement. En l’état actuel des choses, Bertrand de Talhouët, président de l’association Transphotos et directeur du festival, considère d’ailleurs la dixième édition comme la dernière…

Albert Lammertyn

Liberté Hebdo du 10 juin 2011