RENCONTRE AVEC LE PHOTOGRAPHE WILLIAM KLEIN
Clic-clac Klein
Invité par les Transphotographiques à tirer le portrait des Lillois, William Klein, Légende vivante de la photo, a pris ses quartiers fin mars au studio Imagic. Devant son objectif se sont succédé des écoliers, quelques grands patrons, les joueurs du Losc, un collectif gay et lesbien, des militaires… Aimablement convié à une séance de prise de vue, notre reporter a trouvé un gentleman plus détendu que ne le laisse supposer son surnom de Raging Bill, et remarquablement vert pour ses 78 ans.
Comme prélude à l’interview qui doit suivre, j’arrive au studio Imagic pour assister au shooting des grands patrons de la Métropole. Ces messieurs, presque au complet, discutent en prenant le café. Ils attendent de passer à la coiffure pour de rapides retouches. Un retardataire, Patrick Peugeot de La Mondiale, fait son entrée au studio un kebab et une bière à la main : « Une occasion rare de manger ce truc que j’adore. » Timing parfait : à peine le dernier morceau de sha-warma avalé, William Klein, regard malicieux, total look blue-jean et longs cheveux blancs de chef indien, vient chercher ses invités. La complicité s’installe très vite, ce qui n’a rien d’étonnant puisque depuis la parution du recueil New York, en 1956, Klein est lui-même un grand patron de la photo. Sur le set composé d’une grosse boîte à lumière, d’un réflecteur et d’un fond blanc, ces messieurs prennent la pose suivant les indications du maître. Une formation en V, façon patrouille de chasse. L’atmosphère se détend encore lorsque l’artiste interpelle gentiment Emmanuel de Bavelaere, de la Banque de Neuflize : « Vous, le géant là-bas, pliez les genoux » ; puis Frédéric Francisque, d’Epson régional : « Le monsieur à la cravate, c’est ça, avancez un peu par ici. » Tout le monde rigole, M. Klein n’a plus qu’à shooter, épaulé par Frank et Sandrine, deux assistants recrutés sur place. La séance n’aura duré qu’une demi-heure, mais on peut voir à sa mine réjouie que William Klein en est satisfait. Le planning des modèles étant plutôt chargé, ils s’éclipsent rapidement. Le maître m’accorde quelques minutes d’interview avant la prochaine séance, celle des « gens de la nuit ».
Vous avez une capacité étonnante à mettre vos modèles complète-ment à l’aise en prise de vue, quel est votre secret ?
« Oh ce n’est pas un secret, j’aime bien les gens, voilà. Je ne fais jamais d’histoires, je ne me prends pas la tête, je travaille simplement. »
Après New York, Paris, Moscou et Tokyo, comment trouvez-vous Lille ?
« Je ne sais pas, ça ressemble un peu à la Belgique, non ? Ça a l’air amusant comme ville mais je n’ai pas vu grand-chose. En fait vous savez, dans la photo ce qui m’intéresse ce sont les gens qu’on rencontre, pas tellement les lieux. »
Photo, cinéma, graphisme, vous étiez déjà un artiste multimédia avant l’arrivée du numérique, et vos images influencent beaucoup les photographes contemporains. N’avez-vous pas un peu l’impression que tout le monde fait du William Klein aujourd’hui ?
« Quand je suis arrivé à Paris pour étudier la peinture (en 1948, ndlr) l’idée du multimédia était déjà dans l’air. On était tous très influencés par le Bauhaus et tout ça, la complémentarité de toutes les disciplines. A part ça tant mieux si mon travail a influencé des gens mais je ne m’en préoccupe pas tellement. »
Quand on regarde vos premiers albums, on voit bien que vous preniez des inconnus de face, de près et sans prévenir. Ça ne vous a jamais valu d’ennuis ?
« Jamais. Surtout pas aux Etats-Unis où tout le monde s’attend à devenir une star du jour au lendemain. Mais à l’époque c’était quand même un peu inhabituel, les gens me demandaient pourquoi je faisais ça. Je répondais n’importe quoi, suivant l’humeur. Parfois je me faisais passer pour un reporter du Daily News, je prenais ma photo et je partais en disant ‘ça paraîtra demain ! »‘
Aujourd’hui vos photos semblent moins sombres que celles de vos débuts. Vous trouvez que le monde s’améliore ?
« Oui mais moi je ne photographie pas les famines ni les guerres. Plutôt des gens relativement privilégiés. De ce point de vue, oui, les choses vont peut-être un peu mieux aujourd’hui. J’ai personnellement connu l’époque où les salles de bain, les frigidaires et les télé-phones n’existaient pas. Blague à part, il y a une chose qui me touche beaucoup aujourd’hui, c’est la solidarité. Ces millions de personnes dans la rue après les attentats de Madrid, c’est formidable. »
Antoine PECQUET
La Gazette 22/04/2004
1. Les Transphotographiques débuteront le 15 mai.
24 La Gazette Nord – Pas de Calais a www.gazettenpdc.fr • 22 avril 2004