Institut de la Photo à Lille : Xavier Bertrand se sent rattrapé par son vieux démon
L’institut européen de la photographie est en passe de devenir un enjeu électoral. La réponse cinglante de Xavier Bertrand vendredi dernier en commission permanente du conseil régional qu’il préside après la vigoureuse interpellation de la Maison de la Photo jeudi dernier – et relaté dans nos colonnes – montre que le dossier prend un tour fort politique. Xavier Bertrand dans le rôle de l’exorciste.La culture est toujours une bonne occasion de dégainer.
Le président divers droite de la région des Hauts-de-France et la maire socialiste de Lille, Martine Aubry ont “dealé” pour l’installation d’un grand institut dédié à la photo dans le Vieux-Lille.
Ce que la “vieille” Maison de la Photo critique et conteste avec l’énergie de ceux qui se sentent sacrifiés sur l’autel des accords noués entre les grands fauves de la politique. Selon La Voix du Nord, l’ancien patron de l’UMP se défend de plonger dans le “marigot politicard lillois”* (voir DailyNord). Il est vrai que le conflit entre la Maison de la Photo et la ville de Lille ressemble de plus en plus à une guerre de tranchées sans merci. La scène électorale lilloise joue déjà la pièce de la réhabilitation de la friche Saint-Sauveur, porté par la maire elle-même, la guerre de la Photo aura-t-elle lieu ?
En important un dossier lillo-lillois en commission permanente – haut lieu des décisions du conseil régional -le député et conseiller régional RN Sébastien Chenu, qui prise les dossiers culturels, a gentiment énervé Xavier Bertrand. Qui lui a vivement rétorqué “Vous êtes le porte-parole d’Olivier Spillebout ! ” NDLR : le fondateur de la Maison de la Photo, a priori les deux hommes ne se connaissent pas, et le député avait soutenu le projet d’institut mais dans l’ex-bassin minier). Comme pour exorciser le démon de la politique à l’ancienne brutalement surgi.
Pourquoi Xavier Bertrand est-il si en colère ? Depuis son élection à la tête du conseil régional des Hauts-de-France, Xavier Bertrand s’efforce de jeter à la rivière les habits de politicien professionnel qui collent à la peau des ambitieux.” J’ai changé “, proclamait-il le soir de son élection en décembre 2015. Une posture qui lui a plutôt bien réussi si l’on en juge les enquêtes d’image qui le créditent d’évaluations avantageuses. Popularité en hausse, image positive flatteuse, la séquence rend un son plutôt agréable. En se défaisant de l’uniforme UMP le soir même de l’intronisation de Laurent Wauquiez, il échange le carcan partisan contre des galons d’indépendance. Notre homme sait humer l’air du temps et flairer les bons filons.
Patatras ! Cette histoire d’institut de la photo à Lille et surtout le flirt – en tout bien tout honneur – avec cette autre ex-leader de parti – Martine Aubry fut première secrétaire du PS en même temps qu’il fut le numéro un de l’UMP ! – le rattrapent par la manche de la politique politicienne. En prenant langue avec la maire de Lille pour appuyer son projet d’un nouveau phare culturel dans la capitale des Flandres, il s’approche du feu électoral, et pas des moindres, la fournaise lilloise. Martine Aubry dont la campagne de réélection est naturellement commencée. Une Martine Aubry qui invite un Gérald Darmanin , lieutenant de Xavier Bertrand, un dimanche soir à son hôtel de Ville pour “discuter” de l’avenir de la métropole lilloise que le ministre de l’action et des comptes publics convoite ardemment. Bertrand, Darmanin, Aubry,…Tout cela ressemble à un plan de table – le terme de Yalta est peut-être trop connoté…- pour grands barons avant le festin de 2020 et ses municipales. Et avant celui de 2021 et le renouvellement des conseils régionaux.
A son corps défendant, Xavier Bertrand a remis un pied sur le terrain politique super-miné qu’il fuyait comme la peste. De quoi brûler les ailes de celui qui rêve de s’envoler vers un grand destin ? Peut-être pas. Mais de quoi écorner sa trajectoire ascendante sur l’échiquier politique et brouiller son image de leader émancipé des tambouilles politiciennes que l’opinion rejette avec dédain. Son passé vient de lui sauter au visage tel un chat sauvage.
* “La Maison de la Photographie, si on s’en désintéressait, on ne leur aurait pas financé un certain nombre de projets. On n’a pas joué aux dés l’implantation de l’Institut à Lille. Ce projet va être en connexion avec tout le territoire. » se justifie Xavier Bertrand, qui a fait voter en commission permanente une grosse enveloppe d’1,6 million euros affectée à la poursuite du programme. Qui sait que le reproche du “Tout pour Lille” rôde malicieusement. Un comble pour le chantre de l’égalité des territoires à la tête d’une grande région de six millions d’habitants.
Marc Prévost, DailyNord 25 octobre 2018