Le Nord loin des clichés
Un trio de photographes a sillonné la région.
Pour son dixième anniversaire, le Festival des Transphotographiques, qui se tiendra du 26 mai au 26 juin, met à l’honneur le département du Nord. Trois artistes y jettent un certain regard, le leur.
Jean-Christophe Béchet
Lumière mélancolique
« J’ai choisi de travailler sur le Nord parce que je suis marseillais. Carte Michelin à l’appui, j’ai voulu aller voir ailleurs. À Mulhouse, Strasbourg, et même à Dieppe, je me suis rendu compte que cette notion disparaît dans l’esprit des habitants. Je ne voulais pas tomber dans le cliché d’une région froide et triste. Même si je n’ai pu éviter de photographier les friteries, les bâtiments en brique, les terrils et les grandes plages vides. J’ai voulu montrer que ce territoire n’est pas politiquement apaisé, comme l’illustre un graffiti en faveur du Front national. Il y a une espèce de mélancolie dans la lumière du Nord qui m’inspire. Tout comme m’émeut le carnaval de Bailleul que regardent avec tristesse les habitants. »
« France Nord », au Tri postal.
Hervé Dorval
Le passé noir et blanc
« Les traces du passé m’attirent. J’aime voir comment on intègre l’histoire dans le monde d’aujourd’hui à travers ses bâtiments. Cette histoire, marquée par les industries minière et textile, et par un certain misérabilisme, la région en est chargée. Ce qui m’intéresse, c’est de voir comment une génération s’approprie cet héritage ou le rejette. Mon travail montre aussi bien des sites qui n’existent plus, comme une tour à Roubaix, que des corons miniers en attente de rénovation ou encore des sites rénovés et réaffectés, telles certaines usines textiles, et des lieux désormais protégés, comme le palais Rameau. La pluie, les ciels denses et l’utilisation du noir et blanc donnent aux photos un aspect irréel, qui invite chaque spectateur à s’interroger sur le passé des bâtiments. »
« Terres du Nord », au Tri postal.
Anna Solé
Ethnies-cité
« La diversité et le vivre-ensemble » sont les caractéristiques qu’a retenues Anna Solé, de Roubaix, pour « Tissages de quartier en famille », exposé au palais Rameau. L’artiste d’origine espagnole a fait poser des familles dans divers endroits de la ville : un square, une courée, un parc ou encore devant le mur coloré situé près du Centre chorégraphique national. « Le Nord est constitué de communautés très différentes, qui vivent ensemble grâce à la culture qui les unit d’un lien social », explique-t-elle, avant d’ajouter : « La façon dont on incorpore la mémoire du passé pour améliorer le futur me fascine. » Elle a fait poser la chorégraphe Carolyn Carlson et ses danseurs dans une usine désaffectée du quartier de l’Union
« Tissages de quartier en famille », au palais Rameau. « Pauses et déposes », à la manufacture des Flandres.
Ariane Singer