Sous le titre « These Americans », « Ces Américains », comme pour souligner l’éternelle singularité d’un pays qui fascine autant qu’il hérisse, les Transphotographiques confrontent, à partir du 4 juin, les regards de cinquante photographes sur le monde. Avec, en porte-étendard, une grande expo Capa au Tripostal.
Oubliez le gris de l’été andalou, le gris d’Omaha Beach, le gris du maquis indochinois. Voyez le jaune du foulard d’Ava Gardner, le rouge des lèvres d’une beauté accoudée à un balcon romain, le bleu du ciel de Vallauris sur la tête de Picasso.
Robert Capa, photographe de la couleur ? Longtemps une hérésie. La légende du journaliste hongrois, naturalisé américain, s’est écrite en noir et blanc. Pourtant, durant les quatorze dernières années de sa vie, soufflée par une mine en 1954, Capa emportait toujours, en reportage, un deuxième appareil chargé en pellicules Kodachrome. De chatoyants clichés dédaignés, ravalés à un rang mineur dans l’œuvre du cofondateur de l’agence Magnum.
L’oubli et l’émerveillement
Ces trésors tomberont dans l’oubli des décennies durant. Jusqu’à la réhabilitation. Et l’émerveillement de leur première présentation, à New York, dans l’exposition « Capa in Color ». C’est cet accrochage qui, après une escale française à Tours, débarque à Lille, en clou des Transphotographiques 2016.
À partir du 4 juin, le cœur de la biennale, orchestrée par la Maison de la photo de Lille et son directeur Olivier Spillebout, va battre au Tripostal, tout en irriguant galeries et cimaises éphémères dans la métropole (lire ci-dessous). Bannière – étoilée – de cette édition 2016 ? « These Americans ».
Le Tripo présentera ainsi « Tumultueuse Amérique », de Jean-Pierre Laffont. Fasciné par les États-Unis, le photographe français en a passionnément documenté les soubresauts à partir de 1965, passant des gangs new-yorkais au Ku Klux Klan, des hippies aux yuppies, du monde paysan à la guerre du Vietnam.
Clochards célestes made in UE
Le Vietnam, un traumatisme que le New-Yorkais Jeffrey Wolin explore, dans « From All Sides », à travers des portraits de vétérans, GI comme Vietcong. On serait tenté d’estampiller également made in USA « Scrublands », d’Antoine Bruy, tant ses beatniks croisés dans les marges de la vieille Europe cousinent avec les clochards célestes du Nouveau Monde.
Ces Transphotos convoquent aussi, parmi la cinquantaine de photographes présentés, des régionaux, comme les Lillois Charles Delcourt et Cédric Dubus. Eux aussi ont rencontré (l’un sur la côte Ouest, l’autre sur la côte Est) « ces Américains », dont la biennale sonde l’âme. Les États-Unis, face B. Moins ceux de Trump que ceux de Kerouac. Moins House of Cards que The Wire. Moins Captain America qu’Easy Rider.