La singulière vision du Nord d’un jeune ascète de l’image
Repéré aux festival des Transphotographiques pour un travail sur des paysages surréalistes, Sébastien Boudoul, un Templeuvois de 23 ans, a des projets d’édition et d’exposition. Rencontre avec un oeil avisé.
Né à Villeneuve-d’Ascq mais vivant depuis toujours à Templeuve, Sébastien a d’abord suivi des études de commerce pour faire plaisir à sa famille, notamment à son père avocat, mais il a compris après le bac, en suivant des cours de publicité, que sa véritable vocation était la photo. «J’ai eu mon premier appareil à douze ans et j’aimais m’en servir. À l’école des arts de Saint-Luc, en Belgique, j’ai appris effectivement à travailler sur l’image publicitaire, trouver les idée qui accrochent le regard, mais je passais aussi beaucoup de temps à tirer des clichés. » Ce qui a déclenché cette passion, explique-t-il, ce sont les vacances dans un petit village bourguignon près de Dijon. « On y va en famille depuis que je suis tout petit et les paysans du coin m’ont porté sur leurs genoux. Je vénère cet endroit préservé, à l’écart de l’agitation urbaine, où l’ai tellement de bons souvenirs. Un lieu authentique, pas pollué, pas encore trop dégradé par le tourisme… »
« Au naturel »
Malgré son âge tendre, le jeune homme, admirateur de Jeanloup Sieff et de Robert Doisneau, a déjà un avis argumenté sur la vie, ses rapports avec l’art et la photo en particulier. «Je me fiche un peu des possibilités actuelles qui permettent de modifier les photos dans tous les sens, confie-t-il en présentant son book. Ces photos ont été prises « au naturel » et j’attendais quelquefois des heures pour obtenir la lumière et les couleurs que je voulais ! » Une patience qui porte ses fruits quand on découvre par exemple sa vue de la plage au pied du cap Blanc-Nez, transfigurée en paysage lunaire, ou ce champ pévèlois, austère et mystérieux comme une lande écossaise. Attiré par les surréaliste, et notamment Dali, Sébastien sait trouver les éléments incongrus qui viennent renforcer l’étrangeté de ses photos. Les sujets baignent dans une couleur volontairement passée, entre vert et sépia, comme ces meubles improbables posés sur le sable. « Là encore, pas question de truquer. Ce sont des vrais objets amenés à cet endroit. » Les organisateurs des Transphotographiques, tombés sous le charme de cette vision originale du Nord, le thème imposé pour participer aux expositions cette année, ont demandé à Sébastien de poursuivre son projet en y ajoutant une dimension plus explicitement humaine. « je reviens de Bourgogne où j’ai passé un bon mois à photographier les habitants d’un village au quotidien », précise-t-il en montrant quelques exemples de son travail, qu’il a titré Ascétismes français. Des milliers de clichés traquant la réalité de ce coin de France « profonde ». Presque un travail d’ethnologue. Des existences de labeur et de joies simples, au contact de la nature, magnifiquement restituées dans les visage ridés et les mains abîmées. Mais sans misérabilisme aucun. « Ces personne ne voudraient changer de vie pour rien au monde. Sans confort, sans eau courante ni électricité pour certains, ils revendiquent leur tranquillité, méfiants face aux premières incursions du modernisme. » De retour à Templeuve il y a quelques jours, Sébastien va maintenant consacrer son temps à trier tout ça et surtout à rédiger les textes d’accompagnement : «J’ai énormément à dire, je ne sais par où commencer mais j’ai besoin d’en parle,. » Voilà qui donnerait effectivement matière à un bel ouvrage. C’est l’un des objectifs avoués de Sébastien qui a rendez-vous le mois prochain avec un éditeur parisien. Il souhaiterait aussi présenter une expo de ce reportage. « Je sais que j’aurai du mal à vivre de la photo mais je peux m’adapter, faire des travaux alimentaires… Le principal c’est d’intéresser les gens !» •
Transphotographiques (1) Rencontres internationales sur la photographie qui se sont déroulées à Lille du 26 mai au 26 juin dernier.
Nord Éclair du 22 aout 2011