LES TRANSPHOTOGRAPHIQUES 2010 À LILLE
La nature réfléchie
Avec plus de 40 000 visiteurs lors de l’édition 2009, les Transphotographiques se présentent désormais comme l’un des rendez-vous majeurs de la photo dans l’Hexagone. L’an dernier, la manifestation abordait la mode sous toutes les coutures, cette 9ème édition a pour thème la nature à travers 34 expositions réunissant 55 artistes. Parmi ceux-ci, un invité d’honneur le photographe espagnol Joan Fontcuberta. De quoi aiguiser son regard et ses sens jusqu’au 20 juin…
Intitulée Une seconde nature, l’édition 2010 des Transphotographiques s’est inspirée d’une citation de Pascal (1) pour un thème qui peut se lire de multiples manières. A travers la nature d’abord – qu’elle soit apprivoisée ou artificielle – où l’homme intervient et provoque une nouvelle nature, en opposition à la nature première, sauvage voire virginale (même si ce concept n’a probablement plus cours aujourd’hui tant l’homme s’est emparé de toute la planète). Mais cette « ‘seconde nature concerne aussi la photographie elle-même où l’on peut lire l’acte photographique comme un prolongement naturel du regard de l’homme à travers un objectif. Et le visiteur pourra retrouver ces pistes de réflexion, sans compter d’autres plus complexes encore, au long des parcours proposés par les commissaires des expositions, Françoise Paviot et Gabriel Bauret.
Prolongeant la volonté des organisateurs de « favoriser la jeune création internationale« , Les commissaires ont ainsi mis l’accent sur deux tendances essentielles de la photographie contemporaine. Celle dont les artistes représentent ou subliment la nature (les plasticiens de l’image pour l’écrire rapidement) et celle où les photographes s’engagent et nous montrent la défiguration de la nature, souillée ou mise à mal. Un travail en phase avec de l’actualité la moins réjouissante et qui participe à une prise de conscience amorcée par différents mouvements écologiques à travers le monde. Un acte politique certes mais qui n’est jamais éloigné d’une approche esthétique car les deux ne sont évidemment pas incompatibles. Cependant, il faut éviter les jugements hâtifs car l’intervention de l’homme sur la nature n’est pas toujours négative. Et les commissaires de rappeler l’édification des terrils dans notre région, paysages artificiels où la nature a repris ses droits puisqu’une végétation y pousse désormais. Soit une transformation radicale que l’artiste Sophie Deballe magnifie à travers une surprenante exposition, Paysages miniers, visible à l’Hospice Comtesse à Lille en même temps que le travail de la photographe irlandaise Jackie Nickerson, Ten Miles Round, autour d’une communauté majoritairement paysanne où l’agriculture, la pèche et autres activités dérivées sont les principales occupations. Un travail proche du documentaire comme celui de nombre d’artistes présents durant la manifestation même si les sujets et les approches esthétiques divergent parfois radicalement. Comme l’exposition Fluffy douds, signée du photographe allemand Jürgen Nefzger, qui nous tend un miroir dépourvu de complaisance où une nature agressée et défigurée devient le terrain d’élection de métamorphoses. A l’inverse, Joan Fontcuberta crée à travers la manipulation de l’image photographique, développant une oeuvre qui s’interroge sur les effets du réel et la capacité de vérité produits par l’image technologique. Dans une volonté de dénonciation de tous les systèmes organisés de l’information, il répète et démonte, à travers différentes séries — comme Herbarium ou Fauna – le langage propre aux disciplines de la science, de l’information et autres vecteurs de la connaissance. Un maître de la photographie contemporaine à découvrir lors d’une exposition intitulée De Natura au palais de Beaux-Arts de Lille.
Patrick Beaumont
La Gazette Nord-Pas de Calais • wwmgazettenpdc.fr • 21 mai 2010
(1) « L’habitude est une seconde nature, à moins que la nature ne soit une première habitude ».
JORMA PURANEN /C Y PROSPECTS
« Dans lcy Prospects, je combine mon travail à long terme sur le Nord et l’Arctique, mon intérêt pour les archives et l’utilisation de lumières réfléchissantes comme métaphore de l’histoire et du souvenir. Comme Jean- Luc Godard l’a si bien dit: photographie n’est pas la réflection de la réalité mais plutôt la réalité de cette réflection« . Jorma Puranen
EPHIE TSAKRAKLIDOU / PEEL OF CRETANLAND
« Les photographies des terres crétoises prises par Ephie Tsakraklidou et la façon dont elle nous présente cette végétation éternellement fidèle à son rendez-vous avec les saisons, sont une consolation. La beauté continuera de résister à la laideur, la monotonie des paysages lunaires sera toujours émaillée par la couleur d’un cyclamen et le miracle de la vie l’emportera sur les ténèbres. » G. T.
JEAN-PIERRE GILSON / SUR LES PARCOURS PAVES DU PARIS-ROUBAIX
« Jean-Pierre Gilson est natif de Compiègne et le Nord est sa terre natale. Amoureux de ses paysages et de ses ambiances, il photographie depuis cinq ans les petits chemins du Paris-Roubaix. Pour lui la route de cette course mythique qui sillonne le coeur du paysage résume les entrailles d’une région qu’il aime. » Françoise Paviot
YOSHIHIKO UEDA / QUINAULT
A l’ouest de Seattle se trouve l’Olympie national Park qui abrite Quinault et Hoh Rain Forest, deux des rares forêts tropicales nord américaines. Au cours de l’été 1990, alors qu’il avait pour mission de photographier des modèles, Ueda a eu « un étrange moment de vision » qui lui a donné pour la première fois l’idée de prendre en photo la forêt elle-même, nous donnant une idée de ce à quoi ressemble l’errance en forêt.
PETUR THOMSEN / IMPORTED LANDSCAPE
«En 2003, la National Power Company d’Islande a engagé un programme hydroélectrique à Kérahnjfikar dans l’Est du pays. Le projet prévoit la construction de trois barrages, dont un qui sera le plus grand d’Europe. Les barrages entravent entre autres, la grande rivière glaciaire Jökulàà Dal, créant ainsi le lac artificiel d’Hàlslôn, dénaturant l’un des plus beaux sites naturels européens. » Pétur Thomsen
FERIT KUYAS / CITY OF AMBITION
« Cette série nous emmène visiter l’une des plus grandes villes au monde, Chongqing, située dans la région de Sichuan au sud-ouest de la Chine, qui compte aujourd’hui approximative-ment 32 millions d’habitants 1.J Le paysage, avec ces deux grands fleuves qui incorporent la ville changera inévitablement quand le niveau de l’eau aura atteint son maximum en tant que réservoir formé par le Barrage des Trois Gorges. » Ferit Kuyas