Exposition « hors les murs » du 13 décembre 2008 au 25 janvier 2009
au Cultuurcentrum De Spil – Roeselare – Belgique
Il fallait voir le spectacle ! Tous brillants, ils tenaient leurs rôles à la perfection. Les stars s’alanguissaient, les producteurs mâchonnaient leurs cigares, les « starlettes » aguichaient : premiers festivals de Cannes, fin des années noires. On voulait séduire, on séduisait. […] Et un prince survient, le pied léger, un visage éclairé d’un sourire de conquête, l’œil doublé d’un appareil photo. D’un bond, le voilà debout sur une de tables de gala. Il pirouette, bouscule quelques verres, assure son territoire, et de là, bien campé, flashe son monde à la ronde. On le connaît, on le salue, on rit de l’audace, on applaudit le roi de la fête, Walter Carone.
En ce temps-là, les vedettes assumaient les devoirs de leur profession et les paparazzi n’avaient pas lieu d’exister. De son coté, Walter savait les limites de son pouvoir de photographe. Et les « sujets » savaient que Walter savait. Alors circulait entre eux, entre stars et médias, un air de confiance, de liberté, d’amitié. Walter et quelques garçons de Paris-Match avaient créé une nouvelle aristocratie. Les grands de ce monde aimaient ces jeunes gens – fussent-ils des dangers permanents pour la vertu de leur épouse ou compagne –, bronzés par les reportages, traînant dans les soirées les dents longues des jeunesses pauvres. Walter avait inventé et imposé un style. Imper, pas de cravate ; le soir, blazer. Tutoyant, embrassant les riches et les « fameux », sa noblesse venait de son seul Leica, brandi comme un trophée.
Walter Carone sortait tout droit du cinéma italien. Pas du Cinecitta de Fellini. Du cinéma de la rue, celui de Rossellini, de Rome ville ouverte. Il a lancé le néo-réalisme en photographie. Henri Cartier-Bresson, premier des « léicaїstes, génie de la vie captée, occupe une place à par dans l’histoire de la photo. Walter l’admirait, et Henri était un des rares hommes susceptibles de l’intimider. Mais Walter a créé tranquillement, hors des règles de l’art, sa propre esthétique. Dans son approche des gens, générosité, pureté, ferveur ont engendré naturellement cette élégance qui traverse toutes ses images.
Il mitraillait sans cesse. Et pas au hasard. Les jeunes beautés, les criminels, les artistes, les putains, les mariés célèbres… Pendant quinze ans il photographia frénétiquement la fête de l’actualité. Tout s’animait avec lui. Chacun recevait le don de vie. Il donnait son sang. Sa pulsion, sa « pêche ». C’est peut-être pour cela qu’il mourut trop tôt. Pour avoir donné trop et trop vite à son métier. Et comme se mitraillait soi-même.